Sommes-nous quittes ?
Le choix du sujet est un moment crucial du débat philosophique. Si on suit les règles établies par le fondateur qui est à l’origine des débats au café des Phares, c’est l’animateur qui prend la décision cruelle d’extraire de la liste des propositions celle qui va servir de fil conducteur au débat du dimanche.
Ce dimanche, c’était moi qui animait. Expérience aussi neuve que l’année. Rassurée par un public clairsemé, dans un cadre plus intimiste que d’habitude (au Falstaff et non au Phares), j’ai du choisir parmi sept propositions celle qui semblait porter le plus de promesses. Et renoncer aux promesses des autres.
« L’ailleurs » me faisait des clins d’œil, mais manipulé par les médias qui nous ont parlé toute l’année 2011 de « la » dette, j’ai opté pour ce sujet : sommes-nous quitte ? Ai-je bien fait ? J’ai fait, en tout cas, et, obéissant, le groupe de participants a utilisé le sujet proposé. Je dois un grand merci à la courtoisie très agréable du groupe présent dont la bienveillance m’a permis de passer un excellent moment.
A mon grand plaisir, j’ai vu s’exprimer tout le monde, possibilité offerte par le nombre limité des participants, Etre quitte et pouvoir se quitter, acquittement, mais aussi savoir se pardonner, équité, égalité, quitus, contrat …. La densité sémantique de l’énoncé s’est déployée progressivement. Dans le réseau des échanges, il me semble qu’une trame revitalisante a réussi de faire un pont du carcan de notre société hyper-organisé, hyper-sécurisé, hyper-réglementé, hyper-contractualisé, bureaucratisé vers quelque chose plus essentielle, plus primitive qui continue à nous habiter. La dette de quoi ? Du don de vie qu’on nous a fait. Dette envers qui ? Le monde qui nous entoure, qui met à notre disposition ce qui permet que nous puissions être. Dette, pour l’humain, envers ses congénères, et pour être quitte, nous devons nous inscrire dans la ronde des échanges et du partage. Ces congénères, ce sont les congénères du passé, du présent et du future. La dette humaine se conjugue non seulement dans l’horizontalité du présent, mais doit inclure le souci du demain. Comment s’acquitter de la dette liée au don de la vie ? Mener une bonne vie ? Qu’est-ce qu’une bonne vie : vaste question qui fait traditionnellement partie des préoccupations du Nouvel An, temps des nouvelles résolutions.
Nous avons du nous quitter quand l’Ailleurs a fait apparition dans le débat, sous appellation « mondes parallèles ». J’y voyais une façon de rattraper la frustration d’avoir eu à renoncer à ce sujet, mais le temps a fait son œuvre de limitation. Ce dimanche là, avec les personnes présentes ce jour là, chacun est repartie dans « son monde ». On s’est quitté, mais est-ce qu’on était quitte? Mais est-ce qu’on s’est quitté ou est-ce qu’on s’est séparé ? D’autres questions émergent…. C’est sans fin, comme toujours. La logique de la vie, quoi…. La seule question peut-être vraiment importante: est-ce que je peux, est-ce que je veux revenir ? (Mon cerveau effrayant me fait un saut vers la liberté ultime, celle du suicide : on peut toujours dire qu’on en ne veut pas, de cette vie!)
Pour ma part, c’est « oui » : je reviendrai!
Au plaisir de vous revoir
Elke Mallem
Débat du 1er janvier 2012 : « Sommes-nous quittes ? », animé par Elke Mallem.
Débat du 18 décembre 2011: » Nos idées sont-elles nos amies? », animé par Claudine Enjalbert.
A l’approche de la Nativité, les enfants de presque toute la planète surveillent attentivement chaque geste accompli aux abords de la cheminé et autour du pied du sapin de Noël, tandis que du côté du Café des Phares®, le 18 décembre, ce que l’on avait à l’œil c’est le « groupe de pilotage de l’activité philosophique » du lieu, c’est-à-dire, l’intelligentsia brevetée des autoproclamés héritiers d’un chimérique legs censée gérer les réactions méningées du néophyte, ainsi que le tabouret, où d’ordinaire prend place l’animateur du débat hebdomadaire, en l’occurrence Claudine Enjalbert, chargée de modérer le zèle excessif des participants au débat à trancher ce jour-là : « Nos idées sont-elles nos amies ? », ou de le relancer, si d’aventure il laisserait coi plus d’un, ce qui ne se vérifie quasiment jamais.
Pour ce qui est du « groupe de pilotage », on reviendra là-dessus le moment venu. Quant au sujet du jour, et à propos de la fine sensibilité des idées, je ne pus qu’épouser la rumeur qui conçoit l’amour comme un sentiment versatile. Ainsi, il me serait aisé, donc, par un simple désintérêt de ma part, de délaisser le souci de protéger les idées me concernant en entier dès que, ne faisant preuve d’aucune affection pour ma personne, je viendrais à m’apercevoir qu’elles me cherchent ou me fuient selon l’humeur du jour ou la façon dont je les accueille, c’est-à-dire, si je leur offre ou pas un verre à boire. C’est assez courant, en effet, que la dissolution des idées, toujours à la merci d’un coup de Trafalgar, se fasse au hasard des émotions ou des passions, de l’impression d’un parfum, du voleter d’une jupe, du frisson du sublime, d’une rage de dents ou des embarras d’une mauvaise digestion et, finalement, on ne sait plus, de l’idée ou de l’amitié, laquelle supporte l’autre ; selon qu’elles se stimulent ou se contrarient ? L’hypothèse restante serait le fait de l’envoûtement philosophique, enclin à attester exclusivement du Moi, et, dès lors, puis-je être aimé par la phrase que je viens de dire ou par les idées les plus chimériques dont je perds le fil ? N’étant que représentation abstraite et générale d’un Etre, c’est-à-dire, un instrument de la Pensée, les Idées n’existent qu’en fonction des déterminations que l’esprit impose aux choses, et dès lors insatisfait, je me suis demandé si l’Etre conscient, c’est-à-dire, « Enai » (l’entité qui désigne ce que nous ressentons) est instruit de ce qui n’est pas « Soi », au point de savoir y rattacher des sentiments ou autres minauderies, telles que des compromettantes Idées. Celles-ci, seraient-elles attachées à moi au point de m’aimer comme une mère aime son enfant et prodigueraient à mon endroit des attentions et autres égards plus attentifs encore ? Si tel n’était pas le cas, courrais-je le risque de me sentir mal aimé de mes propres pensées ? Ou serais-je amoureux de moi au point de m’attendre à des mamours ou autres phantasmes de la part de mes Idées, alors qu’elles sont ici un objet de la Logique, et nullement l’espoir de partir en vacances et d’y revoir mes copains ?
Prévenante, Claudine s’efforça de suivre le fil, récoltant les expériences et appartenances des participants, « le principe intelligible des choses, ainsi que leurs relations », et plusieurs idées se sont alors dégagées comme la référence au « Gorgias » de Platon, tandis que d’autres taxaient ces mêmes Idées de « putains du diable », « l’important étant ce que l’on en fait », « puisque souvent on est porté par elles ou leurs rapports intimes » et que « l’idée, étant personnelle », « demande une adhésion de la volonté » qui, « peut faire des ravages malgré tout ». « A propos de maths, les idées préexistent-elles à l’Homme ? » Cela « présuppose une adhésion », d’où la cocasse « l’idée de l’Allemagne nazie, alliée aux Japonais parce qu’ils seraient ‘des ariens jaunes’ ». « Ne pensez pas, consommez », proclament certains Politiciens, d’autres verraient dans l’Idée « un supplément d’âme » ou « un objet fabriqué par la pensée », Descartes étant dès lors mis à contribution à propos « d’idées adventices et factices, le sujet « s’opposant à la croyance, du fait de l’inutilité de Dieu, du moment que l’on a des amis », d’où un « appel à une convivialité à l’endroit des émigrants et passagers clandestins qui sont étrangers à eux-mêmes ». « Nous naissons dans un langage humain empreint d’une certaine culture, fut-il dit, auquel nous adhérons tout en prenant des distances », quelqu’un constatant pertinemment, que « nous relions deux termes (ami et idée) qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre d’où ressort que ‘l’idée’ serait extérieure à soi et que, n’y ayant pas d’enjeu dans l’analyse, on se disperse », « excluant la violence », mais incluant « Freud et ses associations d’idées, basées sur des jeux de mots , tandis que Lacan s’intéressait aux jeux de sons», après quoi nous sommes passés à « Zeus, Prométhée, Dionysos ou Héra », et aux « les Idées qui s’incarnent en nous », telles que celles de « changer de vie, comme Bouvard et Pécuchet, décrits par Flaubert ».
Et pourtant. L’aspirant philosophe a l’impertinence du bonimenteur, plutôt crever que de se taire et, même s’il va nulle part, il fonce, car le silence lui devient douloureux comme s’il était la fin de tous les possibles. Au risque du délabrement du discours, il voit dans chaque sujet proposé un moulin à vent auquel il se confronte, et dans sa parole un habit de lumières, ce qui revient à la question : « Puis-je être aimé pour ce que je vais dire ou par les chimériques idées dont je perds le fil ? » Or, représentation abstraite d’un Etre, l’Idée n’est pas un Etre en soi. Elle est l’essence immatérielle et éternelle qui rend compréhensible le monde palpable.
Gilles, mit enfin un terme à la séance affirmant, dans sa poésie, que : « L’Idée, [est] un porte-manteau qui, comme une fleur nous affleure ».
Carlos
Débat du 11 décembre 2011: « La Philosophie tourne-t-elle en rond, lorsqu’elle ne mobilise que l’intellect ? », animé par Pierre-Yves Delpon.
La période de l’Avent est le lever de rideau des magies de Noël et, le 11 décembre, ça valait le détour de se promener, à Paris, circulant dans les petits marchés où l’on vendait déjà les sapins serrés dans des filets tubulaires et exposait un tas de babioles, de broderies, de confiseries, de pain d’épices et chocolats, certains marchands allant jusqu’à vous faire goûter du foie gras, du vin chaud ou un bon bol de soupe aux oignons, tandis qu’à côté, dans une ambiance de fête foraine, le peuple philosophe grouillait au Café des Phares®, afin d’ergoter à propos du thème : « La philosophie tourne-t-elle en rond, lorsqu’elle ne mobilise que l’intellect ? », un motif de discussion choisi et mis en marche par Pierre-Yves Delpon qui en a fait un vrai manège. « La phi-lo-so-phie tour-ne-t-elle-en-rond, au-tour de nos vies com-me un tour de tou-pie, la, la, la ; la, la, la, la ».
Le cerveau, c’est bien connu, est un organe prodigieux qui se met en action dès que nous nous réveillons ; hélas, il commence à flageoler lors que l’on arrive aux Phares car, tel les chevaux de bois qui pivotent autour d’un axe fixe, nous nous embarquons là, jusqu’à la griserie, dans un jeu de rôle à soulever le cœur, ce qui ne se fait pas avec le dos de la cuillère. Pourquoi ne tournerait-elle pas en rond, la philosophie, sachant que la ligne droite n’est pas ipso facto la meilleure façon de courir d’un point à un autre ? « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », ressassait « en rond » le père de la maïeutique. Une bonne occasion pour lui montrer que nous, nous savons tout et, palabrant, nous nous y sommes vaillamment pris, faisant valoir que « la philosophie ne tourne pas en rond mais reste enfermée dans un cercle d’initiés », « tout étant déjà explicité par Heidegger ou Nietzsche » et que « l’on pense en même temps que l’on existe, comme le démontre Edgar Morin », « personne ne pouvant décider ce qui est bla-bla-bla ou pas » alors que « c’est aux philosophes du XVIIème siècle que l’on doit l’abolition de la torture à Florence », « philosopher étant ‘penser sa vie’ et ‘vivre sa pensée’ », comme le préconise « Pierre Hadot face au sentiment d’exister en présence d’un ciel étoilé », « que l’on ne philosophe pas, si on ne mobilise pas l’intellect », « ‘l’être entier’ » « ne devant pas faire toujours la même chose, mais accumuler des expériences », malgré le spectacle « d’une humanité qui tourne en rond avec des guerres toujours répétées au lieu de s’en extirper pour de bon », en dépit « du mythe, au-delà des mythes babyloniens des anges, tel celui d’Hermès et des nymphes », jusqu’au « zodiaque », « à l’être bien dans son corps et dans son âme », « l’éthique et la discipline des artistes, tels que Shakespeare », « toutes les figures étant construites à partir du cercle », dont la « magnifique métaphore d’‘un beau 69’».
En gros, ce fut donc ça, le débat, que Gill a terminé avec ce vers de sa poésie: « caressez un cercle, et il deviendra vicieux! »
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement », comme on dit. Or, la Philosophie n’étant pas une science, les pièges qu’elle risque, outre l’erreur et le non-sens, sont les jeux de langage où la pensée tourne en bourrique, jusqu’au décrochement du réel, et on a vraiment tout essayé, jusqu’à n’en pouvoir mais, quoique, si j’ai bien compris, ce dimanche, il nous fallait conclure que la Philosophie (une certaine conception du monde et de la vie obtenue par la mise en œuvre de la Raison, autrement dit, l’Intelligence), ne serait pas une discipline parfaitement efficace, si d’aventure elle ne venait qu’à mobiliser l’Intellect, c’est-à-dire, à ne faire appel en somme qu’à la simple faculté de connaître la Vérité. En l’occurrence, elle se mettrait derechef à tourner follement en rond !!! Elle se disposerait à graviter autour de son axe, de tels remous entraînant ipso facto la pensée dans un mouvement insensé de rotation propre à nous abasourdir. Que faire ?
Un nom qui désigne la faculté de connaître, l’Intelligence, en d’autres termes, l’Intellect ou la capacité en somme de penser de façon personnelle, de discerner, de raisonner, d’imaginer et créer des illusions, serait-il à même de, tournant en rond, nous rouler dans la farine ? Oui ! L’Intellect ne produit pas le pensable. Certes, la philosophie engage dans l’action, le corps, les émotions, la raison et la logique mais, sa roue de secours, l’objet intentionnel dans l’acte même de Pensée est la Noèse, un cheminement vers soi-même, dans le processus d’individuation.
Il en reste nonobstant qu’un taré qui se dépêche ira toujours plus loin qu’un sage, méditant, assis dans la position du lotus, devant un « Tape-cul » enchanté par l’Orgue de Barbarie.
Carlos
Débat du 4 décembre 2011: « A quoi reconnaît-on ses amis », animé par Gérard Tissier.
Au lendemain de deux Marathons télévisuels, l’un dédié à l’exaltation du corps féminin en vue d’un titre de Miss France, l’autre à un Téléthon appelant à la solidarité dans la lutte contre la Myopathie, maladie qui affaiblit la masse neuromusculaire des enfants qui en pâtissent, le 4 décembre donc, au Café des Phares®, les sujets présents ont pu participer au débat « A quoi reconnaît-on ses amis ? », animé par Gérard Tissier.
« Ô mes amis, il n’y a pas d’amis », dirait Aristote utilisant une contradiction performative reprise par Montaigne, car en effet rien ne permet de confirmer ou infirmer la reconnaissance d’un ami, parce qu’il n’existe aucune recette propre à jauger son prochain de façon à justifier la confiance qui lui serait faite, l’amitié étant un parapluie qui peut très bien se retourner. Toutefois, l’évocation de ‘Facebook’ et ‘My Space’ a ouvert la discussion chez nous en tant que panacée quasi providentielle pour le commerce cosmopolite entre les Hommes et a répondu immédiatement à la nécessité mécanique de se faire des amis, alors que cela ne se fabrique pas ; dès que je l’ai entendu donc, je me suis dit « c’est mal parti ». En effet, l’amitié, ça s’élabore, et ce que nous aimons en nos potes c’est le cas qu’ils font de nous, un moyen sûr pour les identifier. Comment ça se fait ? « Par le partage, la confidence », disaient les uns, « c’est la seule relation humaine » ajoutaient des autres, car « ça se construit dans le faire ensemble », même si « dans le B, ami de A, il faut voir qui est A », cet « ‘A’ auquel on accorde son assentiment nous fiant à ses jugements ». « C’est quoi un ami, pour moi ? », se demande-t-on. « Selon le Talmud, ce serait la relation à un maître qui mérite respect, un donnant-donnant ou réciprocité qui fait vibrer l’amitié », « une constance dans le temps », « l’assistance à un ami étant de l’ordre du devenir » puisque « retrouver un vieil ami est comme si on l’avait quitté la veille : acte gratuit, spontané », ou « abolition de la temporalité », le tout suivi d’une « digression dans les liens du sang aussi bien que de la solitude où se trouverait le ‘un’ », « l’amitié qui se fait à notre insu », et tout à l’avenant : « l’enfer c’est les autres », « le coup de foudre », « l’intégrité », « quelque chose de magique qui facilite la conversation » et « où l’on dit des choses pas répétées à tout le monde », « amitiés précieuses, au passage de deux à trois », « l’amour platonique », « l’‘intérêt’ qui, nécessitant un témoin, interdit l’amitié, rare et fragile car l’amour va et vient mais on a besoin de lui comme de l’eau fraîche ». Ensuite, vint la « question du processus : ‘à quoi reconnaît-on un ami’ ou l’on est reconnu par lui, en dépit du fait que l’on se ressemble déjà, et que l’on crée dès lors une relation durable » ; « quelle différence avec l’amour, la constance entre personnes singulières étant difficile à assurer, et la trahison signifiant un carnage, la guerre, c’est-à-dire, une libération collective », puis « les copains d’abord à la Brassens », « les faits d’armes », « la petite amie qui s’est éloignée ne laissant sur place que le malheur, en bref, l’essentiel » à quoi on a ajouté « les critères, les paramètres et la dimension spirituelle du sentiment, l’amitié se méritant et étant à la portée de tout le monde », ce qui serait « contredit par Pierre Drieu La Rochelle et autres écorchés vifs qui partagent leurs fragilités », suivis de la « différence entre singulier et pluriel, un ami, ou des amis de ‘Facebook’ (encore), le wagon étant différent de la locomotive (et de ses rails, tant que l’on y est), une identité plurielle et des points de vue qui ne sont pas de la philosophie au vrai sens du terme ; si pas de wagons et pas de paysage, il y a une énigme dans le débat collectif ». Nous avons encore eu droit à « l’amitié comme une pelure d’oignon où l’on se découvre soi-même et on grandit avec l’autre grâce à ‘Facebook’ (à nouveau), dans l’émotion et le partage », le tout terminant par la poésie de Gilles qui voit « dans l’amitié le sourire de l’autre », suivi de la question rapportée de Finkelkraut, à propos des café-philo : « Peut-on faire de la philo en commun ? » et de sa réponse : « On ne peut pas faire de la philo au café philo car pour philosopher en commun il faut être avec des amis ».
Voilà, voilà !
Essayant de convenir à la circonstance, j’ai tout essayé et, en désespoir de cause, me suis arrêté aux « Affinités électives », ouvrage au sein duquel, inspiré de la « Chimie du Temps » d’Etienne François Geoffroi, Goethe tente une approche de la passion amoureuse en tant que puissance naturelle. Cela consisterait dans une substance secrète chargée de signification mythique, c’est-à-dire, une loi conforme à l’ordre des choses à laquelle le poète de Weimar aurait adhéré, tout en la reniant, et qui produirait ses effets en conséquence de l’unité du cosmos dont les préceptes feraient sentir leur nécessité jusqu’au cœur des libres décisions rationnelles.
Résumons : Les meilleurs amis ne le resteront pas forcément, et « dans le conflit amitié/vérité, je donne la préférence à celle-ci » renchérit Jean Michel Carretero, suivant ainsi Aristote (‘Ethique à Nicomaque’) qui avouait, lui : « Amicus Plato, sed magis amica veritas » (Je suis l’ami de la vérité plutôt que de Platon), parce qu’il ne partageait pas les idées de son maître. En somme, appuyé à la schématisation des rapports empruntée par Roland Barthès à « Esther », la fameuse tragédie de Racine, c’est-à-dire, basé sur les relations entre Mardochée (A) et Esther (B), j’ose en déduire le paralogisme suivant : A aime B, alors que B aime C qui n’a, lui, personne à aimer.
« Les amis du présent
Ont le naturel du melon ;
Il faut en essayer cinquante
Pour rencontrer un de bon. »
Carlos