Débat du 16 décembre 2012: »L’écriture, comme chemin, mène-t-elle à la philosophie? », animé par Sylvie Pétin.

4 comments

Posted on 18th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Nonobstant le massacre de vingt enfants et leurs profs perpétré dans une école primaire de Sandy Hook, à Newtown, USA, le monde ne s’étant pas effondré le 12/12/12, à 12h12 comme la menace qui pesait sur lui le laissait croire, on a remis l’échéance au 21 et chacun à repris du goût à la vie, s’offrant une « semaine d’éveil des sens » grâce au « Salon de l’Alimentation Salutaire et des Comportements Nutritifs », destiné à promouvoir le goût pour les plats festifs, source en même temps de plaisir, de santé et bien être, au moment de célébrer les bringues qui se profilaient, dont un avant goût nous était donné avec « L’écriture, comme chemin, mène-t-elle à la philosophie ?», le plat que, à cuisiner le 16 décembre 2012 dans le chaudron magique du Café des Phares®, mettant les petits plats dans les grands, Sylvie Pétin était chargée de servir.

A table ! Il faut manger tant que c’est chaud. Or, notre plat semblait assez froid et pas vraiment affriolant. Il s’agissait en somme d’accepter (ou pas) qu’une habilité calligraphique nous serve de voie qui conduirait à « l’amour de la sagesse ».

Il se trouve que « l’écriture », (dont l’étymologie renvoie à « ‘sker’ = gratter, graver ») est illustrée par le « scribe accroupi » et constitue la mémoire des Hommes, ce qui lui assigne une fin plus qu’un itinéraire ; en fait, bien qu’âgés d’un million d’années, les humains ne pratiquent l’écrit que depuis environ six mille ans, et c’est remuant l’alphabet qui leur a été légué par les Phéniciens d’il y a trois millénaires qu’ils arrivèrent, entre enluminures et incunables, à publier la « Bible de 641 feuillets », imprimée par Gutenberg à Strasbourg en 1452. A vrai dire, donc, le texte n’a pas d’ailleurs où se ressourcer ; c’est lettre morte qui, couchée sur des pierres, papyrus, parchemins ou rouleaux ne mène nulle part quoique, comme Monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, certains se demandent si elle ne conduit pas à la philosophie.

En effet, dans l’écriture on trouve une façon de progresser ouverte à l’interprétation et possédant aussi bien une grammaire qu’une syntaxe qui permettent la renversante invention nécessaire à l’expression, si l’on veut ; de son côté, la philosophie dont les saints patrons paraissent être Anaximandre et Thalès, suppose elle, une démarche qui, passant par Héraclite en revient à la « koinôi », autrement dit, une mise en commun des principes rhétoriques de l’argumentation que véhicule la parole. Une façon de voir ou d’interpréter le monde pour des Hommes empreints de curiosité, dont la figure emblématique fut Socrate, même s’il n’a pas écrit une seule ligne, se contentant de bavarder pertinemment.

Ainsi donc, « écrire » pouvait s’entendre au Phares comme une ivresse furibarde qui, par un magique sortilège, aboutirait à la faculté de philosopher pour tout le monde, alors qu’une telle démarche spéculative fut motivée autrefois par l’étonnement devant les différentes facettes de l’infini (« apéïron », ou principe original, « arkhé », ou la nécessité d’un dieu), enfin, tous les phénomènes auxquels les premiers philosophes, aussi bien Héraclite que Thalès ont été sensibles, ce dernier étant même tombé dans un puits parce qu’il interrogeait la lune, en chemin.

En tous cas, ‘considérant l’écriture comme une préoccupation d’artiste’ qui, ‘travaillant par tâtonnement’ creuse jusqu’à ‘trouver une forme’, ‘l’écriture tient de l’ineffable’ pour les uns, de ‘l’on dit’ pour d’autres, tous ‘sensibles au monde de par la réflexion sur soi’ et sur lui, ‘un exercice sur la vérité’ et ‘d’engagement à travers l’art’ qui serait ‘la philosophie en tant que poésie’ par ‘la mise à distance de soi’, autrement qu’au travers d’une ‘liste de courses’, alors que ‘l’on n’a jamais autant écrit’, malgré ‘les efforts à accomplir’, ce qui rejoignait ‘les états d’âme’ et même ‘la quête du moi’ ou ‘fondement de notre pensée’ qui mènerait à la philo par ‘la mise à distance de soi-même’, ‘passant de l’expérience au récit’ par ‘le détour de l’écriture’ qui serait ‘un chemin ou un sommet à atteindre’, même si ‘ça représente un travail’ et ‘exige parfois un retour aux sources’, si ‘‘l’on peut associer parfois les mots ‘juste’, ‘justesse’, ‘justice’ et ‘meurtre’, ‘assassinat’ ou ‘crime’’’. ‘Pourquoi parle-t-on sinon pour se libérer ?’, se demandait un participant, un autre y voyant ‘trois axes, selon Badiou : passage de l’immanent au transcendant, étonnement et mise à distance’, puis à ‘l’échange avec soi-même’, au ‘choix des mots’, à ‘l’engagement’, à ‘l’authenticité’, à la ‘maïeutique’, aux ‘briques qui permettent de nous construire’, à ‘la sacralisation du futur’, n’oubliant pas ‘l’importance de l’imprimerie dans la diffusion de textes importants’, alors que d’autres entendaient que ‘trop d’écrit tue l’écrit’, qu’il ‘faut se trouver soi-même’ et ‘ne pas attendre autrui’, tenant au ‘journal intime’, à ‘l’engagement’ et à ‘l’acte de foi’, ‘condamnant l’acte de délation’, appuyant ‘le fait de s’inscrire dans le monde’, les ‘questions qui nous permettent de nous comprendre’, les ‘trois questions de Kant : qui suis-je ?, où suis-je ?, que puis-je savoir ?’, ‘délier sa pensée qui fausse le sens et le monde’, car ‘témoigner de notre passé’, ça ne suffit pas pour faire un philosophe. Tout y passe : ‘distinguer pensée et philo’ ; ‘la disparition de l’écriture Maya’ ; ‘le sens du texte philo’ qui ‘n’est pas du vent’, même si ‘parfois on s’aperçoit que c’est confus ce que l’on croyait clair’.

Puis, parce que c’était l’heure de terminer, on est passé aux « premières prises de parole », et l’on a découvert que « pour se transformer soi-même, il vaut mieux rester soi ».

Finalement Gilles mit un terme à la divagation, pointant « l’écriture comme un acte maïeutique/ un jaillissement, une empreinte, une impression : un monde d’autrefois/ être soi/ a-tension hors de soi/ cheminement/ reconstruction/ aboutissement…/ écriture… » 

    

Dehors :

- On mange là ?

- Oui ! Qu’est-ce qu tu prends ?

- Moi, j’ai commandé un Sandwich ! Ça nourrit et est plus facile à manger qu’à écrire.

Carlos

 

Débat du 9 décembre 2012; « Qu’est-ce que vivre? », animé par Eric Auzanneau.

3 comments

Posted on 11th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

C’était le Festival d’Automne et, le 9 Décembre 012, à Paris, personne ne savait à quel saint se vouer. C’est pas qu’il y en eût trop, mais il nous fallait connaître le bon. En effet, dans la capital on avait le choix de faire un tour au Salon du Cheval, pour y admirer les plus beaux purs-sangs du monde notamment ceux de l’Ecole Portugaise, sinon, il serait encore possible d’aller jusqu’à Disneyland afin de fêter les cent ans de Mickey, une autre alternative consistant à participer aux Repas d’Amitié et accueil des « Sans logis » dans les églises, Nietzsche à l’honneur dans la Maison de la Poésie étant une autre passionnante éventualité. Le fait est que, finie l’Election Miss France à l’avantage de Miss Bourgogne, après une généreuse soirée Téléthon au profit de la recherche dans le domaine des maladies orphelines, les amateurs de philosophie sont allés le lendemain jusqu’au Café des Phares®, pour prendre part au débat philosophique qui, animé par Eric Auzanneau, portait sur la question : « Qu’est-ce que vivre ? ».

Les philosophes nous étonneront toujours. Si l’on veut essayer de donner une suite philosophique à l’étrange colle posée par cet exercice, il semble que la réponse la plus sage à rendre se trouverait en aval du sujet c’est-à-dire, si l’on suit Montaigne, qui l’aurait appris de Platon, « philosopher, c’est apprendre à mourir » ! Ça devenait inquiétant. Mais ce n’est pas tout. Une fois que la proposition est de définir « le fait de vivre » causant philosophiquement là-dessus en grand comité, nous sommes bloqués par le précepte Aristotélicien « Primum vivere, deinde philosophari », « Vivre d’abord et philosopher ensuite ». La réalité de notre existence précéderait donc toute préoccupation rationnelle mise en doute philosophiquement, comme c’était le cas en ce dimanche. Comment s’en sortir alors de l’interpellation à propos de la vie, si l’adage « Vivre d’abord et philosopher ensuite », privilégie la vie par rapport à l’action d’en discourir, la réalité de notre existence ayant donc le dessus sur toute polémique à ce propos, comme il était notre intention de le faire en ce dimanche, nous demandant  « Qu’est-ce que vivre ? »  Bref, on avait certainement placé la charrue avant les bœufs, et nous voilà par conséquence mal barrés pour déployer une pensée cohérente à propos de « la nature du vivre », puisque de surcroît, notre démarche spéculative se trouverait inversée par rapport à notre préoccupation élémentaire : VIVRE.

En somme, nous étions face à un drôle de rébus, qui nous dissuadait d’en spéculer philosophiquement, à moins de vivre d’abord, selon l’adage en épigraphe. « Ça se mordait la queue » et le débat n’avait vraiment plus d’objet, à partir du moment où, « avant de philosopher il fallait vivre, tout simplement », et que, le sujet étant donc mort-né, le contrat dominical était logiquement rempli. Sauf que l’exercice prévu pour soixante minutes ne pouvait pas s’arrêter là et, comme si l’on s’interrogeait au sujet « de l’œuf ou de la poule, lequel fut le premier ? », dont la réponse consiste à prouver que « l’œuf est dans la poule et la poule est dans l’œuf », tel que l’avait depuis fort longtemps saisi Silésius, nous décidâmes de faire illusion le temps d’un débat.

Il ne nous restait par conséquent qu’à développer l’idée, et la première réponse à enfiler dans le micro devrait dès lors porter logiquement sur « ce qu’il faut faire avant de philosopher », c’est-à-dire, « vivre » et, d’après la colle posée, même un pieux « requiem » ferait l’affaire.

Point du tout, et c’est ainsi qu’il fut sagement répondu, en vrac : « vivre n’est pas survivre », et « n’a pas le sens d’exister », d’autant plus que « si nous ne faisons rien pour rester vivants, vivre est un paradoxe », « vivre/état, et vivre/action étant à distinguer », ainsi que « la philo doit rendre plus intéressante la vie qui, pour les grecs correspondait au ‘bios’ », alors que d’autres « la liaient à ‘l’éthos », « la voyaient comme une énigme », « liberté d’agir », « un paradoxe », « ne pas subir ou se résigner », « une vie pouvant être épouvantable mais intense », « où commence-t-elle ? », « à quoi on l’attribue-t-elle ? », « la vie coupée de beaucoup de deuils », « manger pour vivre et pas vivre pour manger », « le statut du vivant », « on n’est pas tous égaux », « l’Homme animal politique », « gérer la déception, changeant de désir ou se projeter dans l’avenir » », « c’est la vie qui a le dernier mot », « on ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche », « l’énergie qui nous traverse », « savoir perdre son temps », « c’est dur de rester silencieux », « on vit avec deux sœurs jumelles : le savoir et la souffrance », « on a le choix d’être ou ne pas être (Hamlet), « ‘la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie’ », « on mange pour vivre mais vivre ce n’est pas la vie », « pédaler sur une pente c’est se sentir vivre », « comme disait Marc Sautet, philosopher, c’est un moment d’arrêt », « Rimbaud dit que la vie est ailleurs », « ni agir ni rester dans la contemplation », « il y a autre chose dans la vie qui serait a-humain », « je pense tenir là, l’enfant qui est en moi, car la pensée prend le corps par la main, comme le film ‘Avalon’ explore la vie initiatique et il y a un prix à payer pour aller en l’au-delà », « la vie se joue dans l’Homme et il n’en a pas la maîtrise »… puis, pour conclure, « qu’est-ce qu vivre ?, comment vivre ? Lorsqu’il y a  conscience, on est dans l’existence ».

Pour retrouver la sérénité de vivre, il ne nous manquait plus que la poésie de Gilles : « Vivre libre, se délivrer/ Se sentir vivre, vivant/ Quintessence, finalité, ‘vivalité’ / Vivre, expérimenter, humaniser, s’aimer… »

Ayant au coin de l’oreille cette expression d’un doute existentiel dont Maïakovski se fit le héraut : « Je sais que mon ‘je’ est trop petit pour moi et obstinément mon corps m’en expulse », je me suis trouvé dehors, où un débateur fredonnait un vieux « J’ai oublié de vivre… », de Johnny Hallyday.

- Dis donc, chéri, où est-il le livre « Comment vivre jusqu’à 120 ans » ?

- Je l’ai jeté à la poubelle…

- Et pourquoi donc ?

- Parce que ta mère arrive demain, et je ne veux pas qu’elle lise des choses pareilles !

Carlos

  Addenda

 Le Ciné-Philo fêtant sa quinzième année, comme il convenait Daniel Ramirez a fait projeter, à L’Entrepôt, le film en noir et blanc tourné en 1961 par Alain Resnais, « L’année dernière à Marienbad », c’est-à-dire, la rencontre de deux êtres qui se croisent et se fuient dans une station balnéaire en République Tchèque, à la suite d’une incertaine liaison entre eux l’année d’avant en ce lieu même, et qui fut Lion d’Or à la Mostra de Venise, la séance étant suivie d’un débat fort intéressant, sur l’introspection et, entre autres, d’un vin d’honneur pris au bar de l’établissement multiculturel.

 CG

Débat du 2 décembre 2012: « Comment faire la paix avec son passé? », animé par Gérard Tissier

2 comments

Posted on 4th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Alors que personne, soit-il le Fils, le Saint Esprit ou les Anges, excepté le Père, connaît le Jour et l’Heure de l’ébranlement cosmique qui annoncera l’épreuve finale des humains, c’est-à-dire, le Jugement Dernier, moins de vingt jours avant la date retenue pour un tel événement eschatologique, pour tout dire, le spectacle grandiose du retour sur terre du Fils de Dieu, dans sa gloire, afin de précipiter la fin du monde, au lieu de se mettre à l’abri au pied du pic de Bugarach, seul endroit, dans l’Aude, où le genre humain aurait des chances d’en être épargné, c’est vers le Café des Phares® que, sur fond de discorde entre ouvriers et patrons de l’aciérie ArcelorMittal, les habitués des débats philosophiques hebdomadaires se sont plutôt dirigés, débonnaires, afin d’y assister à celui du 2 décembre 2012 qui, animé par Gérard Tissier, tournait autour de la question hâtivement choisie : « Comment faire la paix avec son passé ? ».

C’était cousu de fil blanc. D’après les milieux bien informés, on sait que « les Calendes Grecques » n’arrêtent pas de recruter et que ses premières unités sont déjà aux frontières du présent. L’heure est grave et certains pensent qu’il serait urgent d’élaborer une « entente cordiale » avec l’ennemi, au lieu d’aller vers le bain de sang car, d’ordinaire le passé est assez conciliant et ne se mêle pas de nos affaires, surtout que l’on n’a rien à se reprocher en ce qui concerne la violation des territoires respectifs. Mais comment s’y prendre ? En question étaient plutôt la durée, notre seule source d’approvisionnement, et le temps révolu, visiblement furax, va savoir pourquoi. Le fait est que, le présent n’ayant que la fugacité de trois secondes, on se trouve au passé dans un battement de sourcils et, afin de faire face au futur, nous vivons quasi en permanence des ressources du temps constamment révolu et aussi bien Freud que Proust, Lamartine, Bergson, Rousseau en connaissaient un rayon ; il nous dévore, jour après jour, le temps. Autrement dit, « Si tu t’imagines, / Fillette, fillette / Xa va, xa va, xa/ Va durer toujours !/ Ce que tu te goures/ Fillette, fillette… » ; « Carpe diem », est donc la consigne. Tâche de profiter du jour présent, sans te soucier de quoi que ce soit, car même le futur en a systématiquement gros sur la patate, déçu de ne plus l’être, de tomber dans un nouvel présent, puis dans l’oubli du passé. Que faire pour qu’il ne moufte plus, ce passé ?

En ben… Il y avait là un os… ou même deux. Depuis huit jours, nous sommes dans l’angoisse jusqu’à guersoi, et de ce fait, culpabilisons à mort ! On a commencé par se demander, la semaine dernière, si d’aventure « Sommes-nous fâchés avec nous-mêmes ? », et voilà qu’à présent il y a des soupçons d’une vieille discorde entre nous et le passé qui fait des appels de phares, derrière pour que l’on l’attende, afin de se réconcilier, alors que l’on veut aller notre chemin sans s’attarder sur les embrouilles révolues. A partir de là, on a « convenu de faire la distinction entre psychologie et philosophie », « que tous les goûts sont dans la nature, et que l’on s’en accommode », « l’endroit le plus près du passé étant ma naissance » et « faire la guerre au passé est faire la guerre à soi-même », « alors que seul l’oubli est salutaire », « de pair avec le pardon », « dont l’acte de Willy Brandt à Varsovie est un exemple », « Karlsfeld dans sa traque aux criminels de guerre », « la guerre est la mère de toute chose », « je suis dans ce monde mais pas de ce monde », « faire la paix n’est pas seulement s’opposer à la guerre », « l’Histoire devient autonome », et quelque chose de figé », « la paix peut se remettre en question », « pour les uns le salut se fait par la confession, pour d’autres par la grâce » et « il y a des moments de grâce dans un café philo », pulsion de vie et pulsion de mort », « Staline s’entend avec Hitler », « la dèche en Allemagne après la guerre », « le déni de réalité de la résistance », « demander à quelqu’un qu’il nous pardonne  pour pouvoir pardonner ».

Question. Si le sujet était un autre, tous ces dires ne lui iraient-ils pas comme un gant ? Puisque, bon sang de bon sang, d’après l’énoncé, tout le monde était implicitement censé être en guerre avec son passé, va savoir pourquoi, et d’autant plus que la nécessité d’établir la paix s’avérait problématique, malgré la centaine de cerveaux présents qui, ne suffisant pas à démêler l’écheveau, rendaient saugrenue l’insoluble devinette, peut-être aurait-on intérêt à ne pas y regarder de trop près, au cas où nous, ou le passé, serions  juste en désaccord avec une paix trop hâtive ou fallacieuse.

Peu importe. « Ce qui est passé est passé ».

Avant de « faire un sérieux examen de conscience de son passé », personne n’aurait à se demander comment s’y prendre pour l’apaiser ? D’ailleurs, « qu’avons-nous à nous reprocher ? » Est-il constant que l’on soit d’ordinaire, en conflit avec soi autrement qu’au présent, en raison de nos dérèglements ? Faudrait-il retourner « à son passé » pour lui proposer de faire la paix, témoigner de ses regrets ? Trop tard. On a évoqué, alors, Georges Orwell qui prétend que le passé  n’existe pas, mais que l’on explore pour savoir comment agir ».

Au zinc, devant un petit gâteau en forme de coquille et une tasse de thé : 

- Te souviens-tu, Madeleine, du temps perdu de notre jeunesse ?

- Ah, le passé…

- Le problème avec le passé, c’est qu’il nous rend vieux, sans que l’on s’en aperçoive.

Carlos

Débat du 25 novembre 2012 : « Sommes-nous fâchés avec nous-mêmes ? », animé par Claudine Enjalbert.

2 comments

Posted on 26th novembre 2012 by Gunter in Comptes-Rendus

Malgré le début des joyeux Marchés de Noël, c’est sur fond d’échauffourées à propos de l’opposition au nouvel aéroport de Notre Dame des Landes et de la cacophonie à l’UMP pour l’élection de leur chef de file, que dans la Semaine de la Coiffure, des Droits des Enfants, des Jeux de Société, des Journées d’Action Contre les Violences à l’Egard des Femmes, en même temps départ du Festival des Arbres et de la Forêt, que, le 25 Novembre 2012, a eu lieu au Café des Phares®, le débat « Sommes-nous fâchés avec nous-mêmes ? », dont l’animation a été confiée à Claudine Enjalbert.

La guerre contre soi était ouverte ! Du latin « fastic », le mot « fâché » veut dire, étymologiquement, terre inculte, et par association d’idées, « goujat ». C’était donc à se demander si, par hasard, nous ne nous faisions pas la tête entre voyous, là, sur place et, s’il s’avérait exact qu’il y avait de l’eau dans le gaz au plus intime de nos êtres, il faudrait assumer tout de suite, sans chercher à savoir qui a provoqué la zizanie, « nous », ou « nous-mêmes », autrement que par la venue de « nous-même » vers « nous », parce que « nous » n’est pas sans reproche non plus ; il est trop gâté. Ou alors, sachant que tout ça ne date pas d’hier, on pourrait faire comme si de rien n’était, tel que la sagesse le recommande ; une fâcherie ne dure jamais plus de trois ou quatre jours et il faut rester serein, sans attendre lequel fera le premier pas pour se réconcilier. Si « nous-mêmes » est plein de morgue, « nous » ne l’est pas moins. Quoique, la moindre des choses serait peut-être de tirer au clair qui a commencé, pour quel motif, depuis quel moment, et jusqu’à quand avait-on l’intention de se tourner le dos, au risque de se rendre ridicule, s’énervant à fouiller dans ces bisbilles, puisque la raison nous disait qu’en tous cas, il ne faut pas que ça dure, et nous ne devons nous poser pas trop de questions, avant d’apprendre le motif pourquoi « nous-même » boude dans son coin, du moment que « nous » n’avons rien à nous reprocher mis à part l’ivresse d’un moment. Rêvons-nous d’une autre façon d’être ou de jouir autrement ? Pour quelle raison se demander le mobile de l’attitude du vis-à-vis qui nous tient tête, si c’est vrai que « nous » est plus indulgent qu’un « nous-mêmes », plein d’une suffisance mal venue pour ne pas dire inadéquate et que, dans ces conditions, on pourrait éventuellement se rabibocher ? Il est évident que « nous » devons dès lors faire le premier pas, sans attendre que « nous-mêmes » s’y résigne. « Nous » devons aller vers « nous-mêmes » bien avant que lui ne le fasse, et il serait alors très intéressant de chercher à connaître avec lui la raison pourquoi nous avons pu nous faire la gueule.

Certes, la colère est une émotion légitime qui nous amène à réagir, nous donne de la force et nous informe lorsque nos besoins élémentaires sont frustrés. Il ne faut pas oublier, pourtant, que souvent l’alcool y est pour quelque chose.

Voilà pourquoi le débat a eu lieu et, dès le commencement, un participant a affirmé que « nous sommes des êtres dissociés, Raison et Passion provoquant le divorce du ‘moi’, ‘ça’ et ‘surmoi’ analysé par Freud, triade sur laquelle repose toute la psychanalyse », puis l’amalgame ‘fâché/rupture de soi’ fut évité, quelqu’un ayant ajouté que « plus il vieilli plus il se réconcilie avec le pêché originel », raccommodement repris à plusieurs moments, entrecoupé de « références au masochisme », « à l’égoïsme » et « aux pires ennemis que nous sommes de nous-mêmes », « à discuter dans des Cafés Psycho » d’après l’animatrice, suivi « du doute sur la perfectibilité de l’humain » et de « la transparence à soi-même » ainsi que de « l’éventuelle soumission à d’autres », « les dernières péripéties politiques (Copé/Fillon) étant rapprochées de celle de Ségolène Royal : ‘je ne suis pas fâchée, je suis en colère’» ou « du sentiment de ne pas être à la hauteur », opposée à « la joie d’avoir tout raté ». Une voix s’est élevée pour faire remarquer que « l’on mélangeait deux choses : le ‘contre soi’ (psychologisant) et le philosophique qui occulte un diagnostic », puis une autre pour « évoquer Léo Férré ‘je suis un chien…’ ou la vie inversée », encore « l’hystérie » et « l’infantilisme qui consiste à se fâcher contre soi-même, un état de guerre permanent », une dame faisant remarquer « qu’il y des guerres ‘pour’, et des guerres ‘contre’ et qu’il faut avoir la capacité de les développer », suivie du « fâché avec ou fâché contre », « le cas Rousseau qui, manque de moyens, abandonna ses enfants », « le dualisme ‘deviens ce que tu es’, qui nous divise », « l’Homme qui se veut admirable et se voit misérable », « le divorce entre soi et soi » pour, finalement revenir au « Aime ton prochain comme toi-même », que Gilles illustra de sa poésie : « Nous sommes, nous-mêmes, notre seul ennemi : Nous sommes, nous-mêmes, notre pire ennemi. . . », puis on vida la salle pour se trouver dehors à papoter encore… Voilà, voilà ! En bref.

- « Je suis très, très fâché ! », s’épancha quelqu’un.

-Après qui ?

-Après moi-même !

- Ne soyez pas cons, vous deux ; essayez de prendre de la distance…

Carlos

Débat du 14 Octobre 2012: « Famille je vous aime, famille je vous hais, ou y a-t-il autre chose encore? », animé par Eric Zernik

0 comments

Posted on 19th novembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

On venait de célébrer sur la Butte Montmartre la traditionnelle fête des vendanges, événement qui, comme habituellement, culmine par l’impressionnante prouesse pyrotechnique constituée par le rituel feu d’artifice tiré devant la Basilique du Sacré Coeur, une féerie propre à enchanter d’une sorte de communicative ferveur la grande famille des parisiens, puis, le 14 Octobre, au Café des Phares®, ce fut un sujet ayant trait à la plus petite unité d’un groupe, qui, animé par Eric Zernik, nous a été proposé pour la discussion hebdomadaire : « Famille, je vous aime ; famille je vous haïe, ou y a-t-il autre chose encore? ».

Le mot « famille » apparaît en Europe vers 1600 et il est constant que dans la culture européenne le groupe naturel formé par l’union entre les sexes se fait par le mariage d’un homme et d’une femme [femina-ae ou mulier-eris, en latin, l’épouse se traduisant par uxor, γαμος (gamos), chez les grecs], plus les enfants qui vont éventuellement en naître, ayant comme corollaire la formation d’une maisonnée ou famille, c’est-à-dire, l’ensemble des personnes unies par le sang ou alliance et ayant des intérêts communs, vivant sous le même toit [domus (latin) ; oïkos, (grec)], sans compter la belle-famille, et, en sociologie, la forme d’une telle unité dépend des conditions économiques et croyances religieuses du noyau, le rôle plus important revenant dans les civilisations anciennes à l’autorité de droit du chef de famille sur tout le clan, esclaves inclus, habitant à un même endroit. Il se charge de l’éducation, qui se poursuit à l’école, et de l’entraide, en lien avec l’Etat puisque la famille constitue la plus petite quoique fondamentale cellule du peuple, car elle représente en même temps un conséquent rouage de la vie politique, figurant ainsi une sorte de premier état.

Mais, puisque formée d’oncles, tantes, beaux parents, parâtres et marâtres, l’arbre généalogique de chacun de nous a plus de racines que de branches et a l’air d’une frêle pousse chez le pépiniériste, destinée à être repiquée ou à recevoir des greffes, ça promettait donc un ‘débat des familles’, c’est-à-dire, sans prétentions, et c’est ainsi que l’on a parlé  de « famille verticale, de sang, par alliance et de ‘pacs’ », « de bâtards », « de la complémentarité en maths » (suivez mon regard), « des adoptions ou des groupes informels, tel un éditeur, par exemple », « appartenance choisie ou pas », « parents biologiques ou pas », et on s’est interrogé sur « qui est le père de famille dans un couple homosexuel », « famille économique », « les différents liens non conventionnels », « des conséquences dans tout ça dues à la mort de Dieu », « à l’amour, à la haine », « au calvaire que cela peut représenter », « aux rapports sexuels ». Puis, on s’est demandé « si l’on pouvait sortir de la famille et, si oui, pour aller où ? », « famille de l’amour… peut-être de la haine (Sartre), alors que Camus en parlait avec ‘amour’ », « du fait de s’accoupler au hasard », «  de l’arbre de transmission », « du goût du sport », « de l’anthropologie », « de la ‘mère patrie’ », « de la distinction Hégélienne entre le naturel et le culturel », « un couple qui ne forme pas forcément une famille, si l’on ne se reconnaît pas comme tel », « le fait de sortir du cocon familial », et on a évoqué les couples mono parentaux ». « les situations de souffrance d’un enfant », « le chat de Schrödinger », « les enfants sauvages », « les pères nourriciers »,

Malgré une singulière misogynie chez les grecs, liés à la maisonnée (oikos) où chacun avait une place définie sous l’autorité du chef de famille, les femmes jouaient certes un rôle religieux essentiel autour du mariage, de la maternité, de l’accueil au foyer, mais se trouvaient exclues de la citoyenneté. Pourtant,

Penché sur son express, au comptoir du bistro, un consommateur se tourne vers le gars qui se trouve accoudé à ses côtés pour lui dire :

- Si ce n’était pas la moustache, vous auriez un air de famille avec ma belle mère…

- Baah, s’exclame l’autre, je n’ai pas de moustache…

- Mais elle, elle en a !

Carlos

Débat du 18 novembre 2012: « Bioéthique, un cas clinique de fin de vie », animé par Bruno Lecoris.

3 comments

Posted on 18th novembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Au cours de la semaine de la solidarité internationale et de la citoyenneté, voilà que l’enfer s’installait à Gaza accélérant diaboliquement le terme des existences humaines, tandis qu’à Paris on trouvait partout des Marchés de Noël, occasion rêvée pour aller lécher les vitrines de fin d’Année ou le grand Salon du Mariage Oriental, qui suscitait de nouvelles créatures, alors qu’au Café des Phares® on se souciait de leur terme, au cours du débat du 18 novembre « Bioéthique, un cas clinique de fin de vie », animé par Bruno Lecoris.

Je ne sais pas s’il y a un point d’interrogation, il se trouve en tous cas que la veille on fêtait l’arrivée du Beaujolais Nouveau, à laquelle habituellement je sacrifie en compagnie de vieux amis soixante-huitars, membres honoraires de l’Internationale Situationniste, et je ne me trouvais pas ce dimanche, en mesure de faire face à la bioéthique, ni aux cas cliniques et encore moins à la fin de vie, c’est-à-dire, l’effacement complet de nos idéaux, l’achèvement de ce qu’il s’agissait de dépasser, le point mort du passé, la disparition du centre, le flétrissement de toutes les salades.

Si je lance ce compte-rendu, c’est tout simplement afin de donner à ceux qui ont assisté au débat, l’occasion de s’en exprimer dans la rubrique « commentaires » et satisfaire ainsi le désir reconnu du dialogue, l’errance de la pensée, le refus de la lourdeur, l’effacement du négatif.

Ceci dit, puis je m’efface, il semblerait que, prêté par les médecins avant d’exercer, le Serment d’Hippocrate constitue le principe de base de leurs devoirs professionnels et respect de la vie, bioéthique pour les intimes. Ne suffirait-il plus, le Serment, à définir les responsabilités du docteur ?  Nous faudrait-il une autre réflexion sur la morale des Hommes confrontés au vivant, un second procédé donc, un savoir de plus ou une nouvelle méthode, bref, une « déontologie », concept créé dès 1960, destinée à déterminer leurs responsabilités et contenir leurs excès, comme la vente d’organes éventuellement ?

Un individu trouve un vieil ami dans la rue.

-Tiens, te voilà. On m’avait dit que tu étais mort.

- Tu vois, je suis bien vivant.

- Mais, je crois plus volontiers celui qui me l’a dit.

Carlos

Débat du 11 Nov. 2012: « Passer à côté du présent… », animé par Nadia Guemidi

2 comments

Posted on 12th novembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Peut-être parce que le problématique « Mariage gay » et autres bisbilles homoparentales a l’allure d’usine à gaz dans le paysage politique et logique français, les billets Euro changent de tête, et c’est sans doute en raison du retour inéluctable d’Obama à la Maison Blanche que l’on assiste partout au déferlement du « Gangnam style », la danse lancée par PSY, un chanteur sud coréen qui, se déhanchant comme un cavalier sur sa monture fait le tour du monde avec cette trouvaille et bénéficie d’un impact plus grand sur la toile que le hisser des voiles au Sables d’Olonne sur les immenses Yachts du septième Vendée Globe dont le propos est de faire la même chose. C’est dans cette vertigineuse logique de sacs et de cordes que, le jour de la Patrie, sous l’animation de Nadia Guemidi, a eu lieu au Café des Phares® le Débat du 11 Novembre, « Passer à côté du présent, n’est-ce pas passer à côté de sa vie ? »

Le « n’est-ce pas » semblait correspondre à une évidence, alors qu’il fallait déjà savoir à côté de quoi l’on passait, c’est-à-dire, qu’est-ce que ce présent que l’on effleure de façon si indifférente bien que cela nous éloigne de la survie, et comment peut-on frôler à peine sa vie, qui, en général a une durée assez conséquente, en somme, mais qui, facétieuse, peut nous jouer des tours, voire être pénible ou même douloureuse, au point de nous croiser d’une façon cavalière évitant même de nous dire bonjour ?  Et puis, qu’est-ce qu’une vie, au bout du compte, et de préférence une vie bonne ?

Allons-y pour le présent. Autant se pencher sur la mort subite d’un nourrisson, dont le présent fonda tout son destin, et l’on fera d’une pierre deux coups (passer à côté du présent et de la vie). Mais, essayons d’être sérieux et commençons par le commencement : Qu’est-ce que le présent ? Un moment entre le passé et le futur, OK, mais, quelle est sa durée ? Quelle est sa signification dans l’existence ? Visiblement, le problème dépassait nos compétences car, s’agissant d’un instant fugitif, d’une persistance pratiquement quasi nulle que l’on estime à trois secondes, le présent n’a pas d’« à côtés » ; il EST, tout le temps. Le présent c’est le moment fugace où l’on pense, on agit, on demande le micro, et, si l’on commence à 12,30 dans un café Philo, pour finir une heure trois quarts après, à condition de ne pas chômer, on a à peu près 2.100 instants. Sacrifiant le passé à la fatalité du futur, le présent a l’épaisseur d’un trou noir, alors qu’une vie, c’est la vie et elle nous colle à la peau ; ce n’est pas un fantôme, une chimère ou un train qui passe. Combien de temps dure-t-elle ? Va savoir… L’espérance théorique de se tenir dans sa carcasse semble aller jusqu’à 120 ans, parfois quelques-uns les dépassent mais, on a beau regarder les lignes de la main, consulter des sorcières ou des voyantes, mystère et boule de gomme : une vie c’est une vie ; elle fut, elle est, puis un jour ne le sera point. Pas de chichi. « … hey honey, take a walk on the wild side… », (Loo Reed, 2009).

Quoiqu’il en soit, l’excessive question a donné lieu à beaucoup de commentaires, allant de « l’analyse des événements, d’Ives Cusset », au « poème de Pierre Ronsard, ‘Mignonne, allons voir si la rose… », en passant par « ‘la présence’, attitude bouddhiste devant la vie », « la perception sensuelle de son corps », « Pierre Dac et son ‘Tout du côté d’ailleurs’ », « le doute sur ‘l’être-là’ », « le lien qui va d’un ‘maintenant’ à un autre », « le bien fait de vivre sa vie », « le doute sur le ‘passer à côté’ », « la présence permettant à l’enfant de ne pas être dans le doute », puis nous sommes passés au « temps poétique, prosaïque, modernité et post-modernité », « au ‘je’ et au ‘nous’ que l’on y trouve, liés à l’actuelle disette grecque », « le présent étant le temps de l’action (bonne ou mauvaise) », « alors qu’il ne va pas vite » et « qu’une vie non analysée ne vaut pas la peine d’être vécue », « que rien ne nous est acquis, à part la mort », « regrets et remords », « écart entre le ‘dire’ et le ‘faire’ », « ‘Pour qui sonne le glas’, d’Hemingway », « différence entre ‘vie’ et ‘existence’ », « faire en sorte que le futur soit agréable », nuancé par « jouir c’est une chose, vivre c’est une autre », et la remarque que « Bergson hantais le sujet et que l’on tournait autour d’un faux problème », tandis que d’autres pensaient que « c’était le sujet par excellence, la vraie vie étant le fait d’apprendre à grandir, un lieu autre que la jouissance de l’enfant qui tète », « que l’on doit vivre dans le présent », qu’il « est légitime de se demander ‘qu’est-ce qu’une vraie vie », ou « de se dire que la mort n’est pas en soi », allant « des regrets et des remords au complexe d’Œdipe (jamais Jocaste) ; mère présente ou mère puissante ? ». On évoqué la perplexité de Sartre dans ‘La Nausée’ devant la racine d’un marronnier au Havre, puis Cyrano (ou l’amour impossible ) et Neruda (qui avoue avoir vécu), puis, enfin, quelqu’un s’est dit « ravi d’avoir découvert le ‘Café Philo’ » et, pour terminer, Gilles nous fit part de ce que le débat l’avait inspiré :

«Présent, passé, …/saisissable cadeau de chaque instant…/ Sensation, direction/ Objet, trajet…/ Etre, construction…/ Présence humanisante…/ Présent, je t’embrasse… 

Mais,  finalement, j’y pense.  Qu’est-ce que cette schizophrénie où le présent prend les dimensions d’une vie ? Somme toute, une telle perplexité existentielle qui nous a happé le long du débat, ne serait-elle pas à rapprocher du pénible cafard exprimé par Anna Karina dans le film de Jean Luc Godard, « Pierrot le fou », où, pour éviter d’être en dehors de la plaque, l’actrice n’arrête pas de se plaindre :

- Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !

« Que pourrais-je bien dire ? », se demande le peuple ‘philosopheur’, afin de ne pas se trouver à côté de son ombilic.

Carlos

Débat du 4 novembre 2012: « Philosopher est-ce penser soi-même? », animé par Michel Turrini

2 comments

Posted on 5th novembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Une fois terminée la saga des fraîches fleurs déposées dans les cimetières ainsi qu’éteint le feu des bougies placées également le premier du mois, pour prendre effet le deux, puis rangés tous les horripilants ou comiques déguisements et consommées toutes les friandises qui faisaient l’objet de la fête celtique Halloween, mettant en vedette les citrouilles découpées de manière à éclairer les alentours d’un grimaçant sourire, passant enfin aux choses sérieuses au Café des Phares®, le 4 Novembre 2012, sous l’œil des caméras d’une Télévision nord coréenne, a eu lieu le traditionnel débat dominical où fut posée la question « Philosopher est-ce penser par soi-même ? », que Michel Turrini était chargé d’animer.

L’interrogation paraissait oiseuse, à partir du moment où l’on admet que philosopher c’est « cogiter », « une activité psychique qui a pour but la connaissance » au bénéfice de la sagesse donc, et naturellement peu importe qui s’adonne à une telle activité : soi-même, si on l’affirme à la première personne du présent, ou autrui selon les cas, passant d’une idée à toute autre qui s’y oppose, au besoin. Autrement dit : « Philosopher est penser » (c’est sûr), la raison étant la faculté de connaître, juger et agir en vertu de l’aptitude de l’entendement à le faire, peu importe qui le fait. Point.

Verbe intransitif dont le sens porte donc sur l’application de son esprit aux éléments fournis par la connaissance, « Penser » n’exige par conséquent aucun complément d’objet et peut constituer avec le sujet une phrase minimale achevée : « Cogito » ! (Je pense). Basta. Descartes pensait… Il se trouve qu’il en déduisit la réalité de son existence, et pas l’absconse redite : « Je philosophe, donc je pense moi-même, ce qui prouve que j’existe ».

En effet, on pourrait éventuellement envisager que « Philosopher » soit quelque chose d’autre que « Penser » (personnellement ou pas), comme par exemple accepter les choses comme elles sont, c’est-à-dire, avec philosophie, ou chercher à savoir pourquoi elles sont là, plutôt que rien, quitte à la raison de le confirmer ou infirmer. Enfin, philosopher c’est connaître l’univers, un univers composé de deux mondes, le monde physique et le monde moral, et être éventuellement en désaccord à propos de tout avec ses congénères, afin de ne pas épuiser le plaisir de discuter, auquel on donne le nom de dialectique ou logique de l’apparence selon Kant, qui le nommait aussi de « diallèle », « cercle vicieux » pour les intimes.

Mais, étant là pour s’exprimer, les candidats à la manifestation de leur pensée signalaient leur envie de le faire, qui pour « prôner l’innovation » (qui n’était pas du goût de l’animateur), qui pour confesser « qu’il en a qui sont plus malins que les autres », qui encore pour « admettre le recours à des références tels que Heidegger, Kant, Aristote, Ricoeur, pour apprendre à dire ‘je’ » ou « pas d’accord » avec « l’académisme et la démagogie », voire à « n’être pas d’accord » ou à sympathiser plutôt avec les « pataphysiciens », « la musique étant elle aussi de la pensée », ainsi que « la haine de la philo », tandis que « philosopher ce n’est pas penser par soi-même, mais contre soi-même, parce que l’on est asservis par la famille, l’école, etc., et que les philosophes pensent pour soi-même et contre nous », alors que « personne ne peut m’empêcher de lire » ; « Philosopher ? Mon cul ! », « C’est un abîme ! ». Une fois qu’un autre intervenant ait fait « l’éloge de son téléphone mobil », « les termes philosophiques furent considérés difficiles à déchiffrer », et que « les philosophes se contredisent », une jeune fille « se plaignit de ne savoir que faire de toutes ces théories, ignorant ce que c’est ‘penser ce qu’on dit’ et ‘dire ce que l’on pense’ », une autre « qu’en ce moment il y a trop de questions à se poser », et dès lors, ajoute une troisième, « à quoi ça sert la pensée de Descartes si elle ne peut pas s’appliquer tout le temps ? » Il lui a été répondu que « philosopher c’est simple : c’est apprendre à voir ; on est à l’atelier de peinture. Chacun sa vérité ! », puis, l’un, « que la philo est une grosse salade », l’autre que « c’est une passoire », un autre encore « qu’il s’agit de trier ». Un coutumier du zinc voulut donner la parole à son petit enfant qui dit : « je veux apprendre à penser, mais pas à obéir », alors que l’intervenant suivant faisait référence comme étant « un grand ordinateur qui marche en dehors de nous », et un autre à la « culture qui n’est pas accessible à tout le monde et qu’il faut procéder à la ‘doxification’ des idées, car on n’est pas des ordinateurs »

Finalement, Gilles a eu raison de tout ça, déclamant : « Pensée, s’y frotter, approfondir ce que l’on dit… Experts, expertises, penser par soi-même… vivre sa pensée… chercher ce que tu es. » … et nous voilà dehors, où un participant au débat dit à son ami:

- Tu sais, il parait que « philosopher » c’est penser soi-même…

- Il faut pas trop tirer sur la ficelle.

- C’est ce que je pensais !

Carlos

Addenda

Au lieu d’un Ciné-Philo, Daniel Ramirez nous a invité ensuite à participer à un Théâtre-Philo, et une partie d’entre nous s’est dirigée vers la magnifique salle de spectacles du Ranelagh, afin d’y assister à la représentation de Macbeth, ou le drame du Pouvoir, tragédie bien connue de Shakespeare où il est question de l’assassinat de Duncan, roi d’Ecosse. En scène jusqu’au 11 Novembre, elle a été suivie d’un excellent débat sur le tenaillement du remords et autres questions annexes.

CG

Le débat du 28 oct. 2012 : « Pour qui sont les fleurs des cimetières ? », animé par Emmanuel Mousset.

5 comments

Posted on 24th octobre 2012 by Gunter in Comptes-Rendus

Le débat du 21 octobre 2012 : « La place de la virilité dans la société », animé par Daniel Ramirez.

13 comments

Posted on 17th octobre 2012 by Gunter in Comptes-Rendus

Débat du 14 Octobre 2012: « Famille, je vous aime, famille je vous hais, ou faut-il encore autre chose », animé par Eric Zernik.

1 comment

Posted on 16th octobre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

On venait de célébrer sur la Butte Montmartre la traditionnelle fête des vendanges, événement qui, comme habituellement, culmine par l’impressionnante prouesse pyrotechnique constituée par le rituel feu d’artifice tiré devant la Basilique du Sacré Coeur, une féerie propre à enchanter d’une sorte de communicative ferveur la grande famille des parisiens, puis, le 14 Octobre, au Café des Phares®, ce fut un sujet ayant trait à la plus petite unité d’un groupe, qui, animé par Eric Zernik, nous a été proposé pour la discussion hebdomadaire : « Famille, je vous aime, famille je vous hais, ou faut-il autre chose ? ».

Le mot « famille » apparaît en Europe vers 1600 et il est constant que dans la culture européenne le groupe naturel formé par l’union entre les sexes se fait par le mariage d’un homme et d’une femme [femina-ae ou mulier-eris, en latin, l’épouse se traduisant par uxor, γαμος (gamos), chez les grecs], plus les enfants qui vont éventuellement en naître, ayant comme corollaire la formation d’une maisonnée ou famille, c’est-à-dire, l’ensemble des personnes unies par le sang ou alliance et ayant des intérêts communs, vivant sous le même toit [domus (latin) ; oïkos, (grec)], sans compter la belle-famille, et, en sociologie, la forme d’une telle unité dépend des conditions économiques et croyances religieuses du noyau, le rôle plus important revenant dans les civilisations anciennes à l’autorité de droit du chef de famille sur tout le clan, esclaves inclus, habitant à un même endroit. Il se charge de l’éducation, qui se poursuit à l’école, et de l’entraide, en lien avec l’Etat puisque la famille constitue la plus petite quoique fondamentale cellule du peuple, car elle représente en même temps un conséquent rouage de la vie politique, figurant ainsi une sorte de premier état.

Mais, puisque formée d’oncles, tantes, beaux parents, parâtres et marâtres, l’arbre généalogique de chacun de nous a plus de racines que de branches et a l’air d’une frêle pousse chez le pépiniériste, destinée à être repiquée ou à recevoir des greffes, ça promettait donc un ‘débat des familles’, c’est-à-dire, sans prétentions, et c’est ainsi que l’on a parlé  de « famille verticale, de sang, par alliance et de ‘pacs’ », « de bâtards », « de la complémentarité en maths » (suivez mon regard), « des adoptions ou des groupes informels, tel un éditeur, par exemple », « appartenance choisie ou pas », « parents biologiques ou pas », et on s’est interrogé sur « qui est le père de famille dans un couple homosexuel », « famille économique », « les différents liens non conventionnels », « des conséquences dans tout ça dues à la mort de Dieu », « à l’amour, à la haine », « au calvaire que cela peut représenter », « aux rapports sexuels ». Puis, on s’est demandé « si l’on pouvait sortir de la famille et, si oui, pour aller où ? », « famille de l’amour… peut-être de la haine (Sartre), alors que Camus en parlait avec ‘amour’ », « du fait de s’accoupler au hasard », «  de l’arbre de transmission », « du goût du sport », « de l’anthropologie », « de la ‘mère patrie’ », « de la distinction Hégélienne entre le naturel et le culturel », « un couple qui ne forme pas forcément une famille, si l’on ne se reconnaît pas comme tel », « le fait de sortir du cocon familial », et on a évoqué les couples mono parentaux ». « les situations de souffrance d’un enfant », « le chat de Schrödinger », « les enfants sauvages », « les pères nourriciers »,

Malgré une singulière misogynie chez les grecs, liés à la maisonnée (oikos) où chacun avait une place définie sous l’autorité du chef de famille, les femmes jouaient certes un rôle religieux essentiel autour du mariage, de la maternité, de l’accueil au foyer, mais se trouvaient exclues de la citoyenneté. Pourtant,

Penché sur son express, au comptoir du bistro, un consommateur se tourne vers le gars qui se trouve accoudé à ses côtés pour lui dire :

- Si ce n’était pas la moustache, vous auriez un air de famille avec ma belle mère…

- Baah, s’exclame l’autre, je n’ai pas de moustache…

- Mais elle, elle en a !

Carlos

Débat du 7 octobre 2012: « L’éducation est-elle une conversion ? », animé par Idriss Sankhom.

3 comments

Posted on 8th octobre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Alors qu’aux USA Barack Obama s’affrontait à Mitt Romney sur le sens à donner à leur politique intérieure, au Venezuela le Président Hugo Chavez briguait un mandat de plus à la tête de son pays, le Président français, François Hollande, paradait au sommet des 5+5, tandis que la Duchesse de Cambridge, Kate Middleton, s’exhibait seins nus et fesses à l’air dans le Magasine « Closer », au Café des Phares®, après une pluvieuse Nuit Blanche fêtée dans les rues à l’instar de celles bien célèbres de Visconti (voire de Dostoïevski), sur les berges assez mouillées de la Seine ainsi qu’à l’Institut du Monde Arabe, le 7 Octobre 2012 a eu lieu, malgré tout, l’habituel débat philosophique intitulé « L’éducation est-elle une conversion ? », animé ce jour-là par Idriss Sankhom.

Etymologiquement, le latin « Educatio », qui nommait au XVème siècle le fait d’élever des animaux ou plantes, désigna ensuite l’instruction de l’esprit, jusqu’aux bonnes manières ou sentiments, selon Flaubert, et signifie aujourd’hui le façonnement de la personnalité, en vue d’une plus grande élévation morale et intellectuelle des gens de tous âges, c’est-à-dire, le développement des facultés mentales chez les enfants et la préparation des adultes à un métier, à la démocratie, à l’acuité de l’œil, de l’oreille, du goût, des manières en société, aussi bien que les égards, la politesse, que sais-je. Pourquoi pas l’éducation des abeilles, des vers à soie, d’une rose comme autrefois ?… Mystère et boule de gomme. Pour ce qui est de la « La formation d’un enfant », voire le développement de ses facultés intellectuelles et morales, ne surgissant qu’au courant du XXème siècle, elle fut quelque chose d’innovateur, même en Europe.

Quant à la « Conversion » (du latin : « conversio » ; en grec : « epistrophé »), cela témoigne par contre du changement mental d’un individu, qui se rallie par exemple à une autre religion, et veut dire en somme que l’on revient sur ses pas. Plus prosaïquement, il s’agit d’un processus ou cheminement personnel aboutissant à de nouvelles croyances, ou différents comportements religieux voire philosophiques, suppléant à des conceptions antagonistes, tel qu’il est arrivé à Pascal, deux fois plutôt qu’une. Il s’agirait au fond d’un changement d’attitude ou façon de voir. Se tourner, entre autres, vers ce que l’on croit vrai ou décider d’aller à la rencontre de valeurs moins communes (parfois un éveil spirituel accompagné d’un acte symbolique comme le baptême, profession de foi, circoncision, prise de distance des biens temporels, façon bouddhiste, par exemple) ; c’est ce que l’on nomme « aller à la recherche, enfin, d’une autre voie, abandonnant certaines conduites ou idées jugées fausses ». La case à cocher était donc « Non », mais cela nous privait des délices du show, c’est-à-dire, la délectation d’empoigner, à chacun son tour le micro, afin d’assener aux autres « sa vérité » et le spectacle se poursuivi « as usual ».

C’est ainsi que l’on se trouva avec « l’enfant sauvage » sur les bras, et du coup « le bébé qu’il faut convaincre à dormir », la « conversion automatique et unidimensionnelle / éducation laborieuse, de A en B, pas de B en C », puis « conversion/ manipulation », « Napoléon III et ses petits soldats », « la guerre d’Algérie », « Manet, peintre et professeur », « éducation institutionnelle ou au sein de la famille », « le développement des idées communistes », le «deviens ce que tu es », « la conversion de St. Paul sur le chemin de Damas », « le Maître et le disciple », « Daniel Pennac et la question de l’argent », « conversion pour quoi faire ? », « pour s’affirmer ! », « pour aller vers une autre vision du monde… »  A un certain moment, assis sur le comptoir mais invité par l’animateur à s’exprimer, le petit Cornélius se mit à pleurer. Pourtant, encouragé par son géniteur, à la deuxième tentative, suivie d’applaudissements, il se livra, s’expliquant sur son drame familial. Question : l’éducation est-elle une galère ?

Le collectif poursuivi, néanmoins, évoquant successivement « la socialisation », « l’émancipation », « l’amour platonique », « le rite de passage », « l’apprentissage de la broderie, pour les filles d’autrefois », et soutenant qu’« il faut s’appartenir », « transmettre et point éduquer », et cetera…

Finalement, Gilles mit un point final à la séance, clamant : « Education/ élévation/ instruction… Objectif/ Finalité… Déconstruction/ Désorientation/ Reconstruction… Lien d’Humanité/ Deviens ce que tu es… »

Histoire de refaire l’instant, tout le monde se trouva dehors, et quelqu’un a raconté que :

Porté par le désir d’éduquer sa propre diction, un patient fut invité par l’orthophoniste à poser ses parties génitales sur le bord du bureau, puis celui-ci porta sur elles un violent coup de marteau à réflexes tendineux…

- Ahhhh, fit le malheureux.

Le docteur :

- Revenez demain pour le « B » ! 

Carlos