Débat du 7 Juillet 2013: « D’où vient le Mal; où va-t-il ? », animé par Jo Strich.
Tout va Mal. De l’agonie de Nelson Mandela dans un Hôpital de Pretoria à la trouble affaire impliquant Joseph Snowden qui aurait rendu publiques des informations Top Secrètes Américaines ayant pour conséquence l’interdiction du survol de la France par l’avion où se trouvait le président Bolivien Morales, aux troubles provoqués en Egypte par l’obscure passation de Pouvoirs, ainsi que des insolites manipulations électorales aux USA, tout porte à croire qu’il y a de l’eau dans le gaz. Pas étonnant qu’au Café des Phares®, le Débat du 7 Juillet 2013 portât sur la brûlante question : « D’où vient le Mal ; où va-t-il ? », animée, en l’occurrence, par Jo Stricht.
Au fond, tout bien regardé, il s’agit d’une allégorie de la machine à laver. En effet, pour l’alimenter en Eau, un corps assez renversant qui fait partie des quatre éléments reconnus par l’Antiquité, d’où tout provient et auxquels chaque chose fini par se réduire, il faut, normalement à cet engin deux robinets d’arrêt : l’un sur le tuyau d’arrivée, l’autre sur la machine où le liquide est sensé s’introduire. Ainsi, le Mal viendrait de quelque part, indépendamment de là où il est judicieux d’aller, comme le Bien, d’ailleurs, et il nous faudrait posséder les outils nécessaires à son utilisation ultérieure.
Du coup, si je cherche à apprendre « qu’est-ce que le Mal ? », constitue déjà un sacré problème, pour connaître « Où va-t-il ? », il vaut mieux avoir l’idée d’un champ d’écoulement, dès que l’on fait question de se demander « d’où est-ce qu’il vient » ; aïe, aïe, aïe !
Mais, de quel Mal est-il question, d’abord ? De celui qui frappe les Hommes ? Qu’est-ce qu’un Homme ? A en croire la légende, les Bébés, des projets d’Homme, sont apportés par les Cigognes, des oiseaux de bon augure dont la symbolique est associée à la naissance, d’un joli marmot, par exemple. Qui plus est, la tradition fait de l’échassier aux longues pattes et au long bec rouge, un symbole de fertilité, un messager dont le rôle est d’entraîner ces Poupons dans le Monde des Vivants qui, d’une façon ou d’une autre en auraient manifesté le désir. Du coup, cet adjectif de négation donc, Le Mal, s’opposant à l’occasion au Bien, se revêtit forcément au moins d’une des trois formes : Défaut, ou manque de Bien, Faute, ou négation du Bien, puis Crime, soit, la destruction du Bien, et peut être entendu, finalement, comme le Concept sous lequel ils se rangent.
Si l’on part, pourtant, du principe que le Mal est odieux, puisqu’il est question d’un négatif compris comme absence de son contraire, ou même opposé à lui et peut être entendu, en même temps, telle une matière métaphysique à laquelle les religions doivent leur essor, qu’il soit physique, c’est-à-dire, infligé par des Hommes les uns aux autres, voire, contracté par chacun, volontairement ou pas, il s’agirait là d’une pratique que les Gens s’appliquent de leur propre chef et dont ils sont responsables, c’est-à-dire, tout ce qui affecte l’Homme et lui nuit physique ou moralement ne se distinguant pas très bien de ce qui est « Mauvais ».
Dans ces conditions, se demander d’où il vient, le Mal (étymologiquement du latin ‘mallum’), est une question un peu oisive à laquelle toutes les religions ont fait référence et associé un châtiment exemplaire, bien à la mesure de la pagaille introduite dans le dessin parfaitement agencé de la création. Bref, le Mal est un désordre, un désordre indésirable qui nous arrive par effraction et ne peut mener qu’à la perdition, si l’on veut essayer de savoir où il va. C’est tout ce qui affecte l’Homme et lui nuit physiquement ou moralement et se distingue malaisément du mauvais, ce qui fait que le réel devrait se conformer à nos désirs, comme on le souhaite, et représente métaphysiquement l’imperfection fondamentale du monde, Leibniz distinguant ce mal métaphysique du « mal physique » (la souffrance) et du « mal moral » (le péché), mais ça c’est une autre histoire.
Ça nous a néanmoins donné l’occasion de remplir une heure de débat, où il a été question de nous interroger sur « les maux de Job », « la banalité du Mal », « perpétré bel et bien par les Hommes », d’où la conclusion hâtive, « s’il n’y a pas de Mal, il n’y a pas de Dieu », alors que « le mal est en nous » et « existe dans l’action de l’Homme », « un sentiment d’éternité mis en question par la mort », quoique « Anna Arendt ait dit : ‘ceux qui ont produit le Mal ne le portent pas sur le visage’, le ‘Mal’ d’aujourd’hui étant ‘l’obéissance’, un drame démontré par l’expérience de Milgram », « le ‘Mal’ revenant à la désobéissance à Dieu », « d’où les Commandements, un défi qui porte à parfaitement distinguer le Bien du Mal », puis, « il se trouve qu’il y a toujours du ‘Bien’ et du ‘Mal’, du point de vue de l’autre ; on adhère ou pas, et ça fait la différence », et encore, « s’il n’y a pas de souffrance, où est le ‘mal’ ? », « le ‘mal’ comme concept créé pour le contrôle social, voire, l’invitation à se souvenir du Titanic », c’est-à-dire, « mettre la vie avant tout », et « éviter de tenter d’occulter le Mal », « le Terrorisme politique » et « les binômes 100% Bien, 100% Mal ».
Enfin !
L’optimiste pense que « le Mal n’existe pas, tout simplement. »
Le pessimiste que « si le Mal n’existe pas, c’est encore pire. »
Je crains qu’en tous cas, ce ne soit pas le cas.
Carlos
Retour sur la fête de la philo
Paris est une fête… de la philo
par Joseph STRICH
« Paris est une fête » (A Moveable Feast). Quand Ernest Hemingway
avait écrit ce livre sur ses années à Paris (1921-26), il ne pensait
pas qu’un jour viendrait où la Ville des Lumières aurait une fête pour
chaque chose: la fête de la musique, la fête de… et de … Jusqu’à
une Fête de la Philo, dont la première édition s’est déroulée du 25
mai au 17 juin.
Lancé au Grand Palais le jour de la Sainte Sophie et achevé le jour
de l’épreuve de philo, l’événement s’est tenu sous le patronage des
ministres Aurélie Filipetti (Culture) et Vincent Peillon (Eudcation
Nationale), et sous le parrainage de Jacques Attali, Elisabeth Badinter
et Luc Ferry, dans l’espace public, lieux et institutions de la culture
et de l’enseignement.
Temps modernes obligent: tout a été mis en oeuvre: invitations aux
hapenings, « appels à la philosophie » (« prenez la vie avec
philosophie »), medias mobilisés et canaux de diffusion mis à la
disposition de la Fête pour diversifier les appels: campagne
d’affichage urbain sur les Champs Elysées, maximes philosophiques dans
le métro (et de philosophes orientaux, chinois et indiens sur les
rames), émissions de télévision (le journal de 13 heures d’Elise Lucet
sur France 2, Paris est à Vous sur BFM Tv Business et au Field de la
Nuit sur TF1), couverture rédactionnelle dans la presse (Le Parisien),
internet et réseaux sociaux. Et même, événement inédit dans l’histoire
de la philosophie, une attachée de presse, Guilaine Depis.
Mais pourquoi donc une fête de la philosophie? Quelle a été la
philosophie de la Fête de la Philo?
C’était, explique l’éditrice et présidente du comité
d’organisation, Emmanuelle Collas, qui a conçu le projet bien avant de
réussir en 2013 à le concrétiser, « l’expression d’un désir de
philosophie, un désir de pensée ». Comment le faire vivre ce désir de
philosophie, comment renouer avec une philosophie vivante, s’est
demandée celle qui voulait une fête de la philo « qui marche dans les
pas d’une philosophie antique ». « A l’heure de la mondialisation
susceptible de faire taire toute créativité, où il est à craindre que
l’homme ne fasse plus l’histoire que sous l’emprise de l’économie,
rien ne révèle un désintérêt pour la culture ».
Dans le débat entre philosophie élitiste et populaire, c’est
Diderot qui a été entendu: « hâtons-nous de rendre la philosophie
populaire », écrivait-il déjà en 1753.
Se félicitant des initiatives philosophiques existantes, comme les
cafés philo, Emmanuelle Collas s’est proposée d’ »inventer un
rendez-vous pour cultiver et faire vivre ce désir de philosophie ».
Avec la participation non seulement de philosophes, mais aussi
écrivains, historiens, cinéastes, artistes. Avec des manifestations
variées: un ciné philo à l’entrepôt où a été projeté le nouveau film
sur Hannah Arendt (26/5) avec Daniel Ramirez, qui a par ailleurs donné
une conférence sur le thème: « qu’est-ce qu’une oeuvre d’art? ». Une
représentation d’une pièce de théâtre à la Sorbonne (Antigone, 29/5),
un philoconcert « Désirs » à la Belleviloise, un exposé sur le vin et la
philosophie à la boutique philovino, ou encore, une « terrasse philo »
en plus d’un café philo aux Phares (le mercredi 12/6), et un débat au
musée d’art et d’histoire du judaïsme le 2 juin: existe-t-il une
philosophie juive? Et pour clore « l’enseignement de la morale civile »
à la Sorbonne.
Mais rien n’aura valu la soirée d’ouverture au Grand Palais, avec 3
interventions marquantes:
– Charles Pépin, l’auteur de « la planète des sages », et de « quand
la beauté nous sauve », chroniquer à Philosophie Magazine, sur la
beauté, qui « n’est jamais superficielle.. la forme c’est le fond qui
remonte à la surface… le beau donne à penser (Kant) »;
– Olivier Pouriol, qui a rendu sensible son thème de désir et ciné
par des extraits de films: « c’est dans l’obscurité d’une salle de
cinéma qu’on est le mieux pour philosopher »… le cinéma, une manière
d’être seuls ensemble »;
– Raphaël Enthoven qui vient de publier un livre sur Proust, a
parlé avec brio de l’improvisation, « cette épreuve merveilleuse,
libre… qui n’est pas faire n’importe quoi, mais pas savoir où on
va… hasard et nécessite (étant) synonymes ».
– A quoi je réponds par une chute digne des dissertations
philosophiques, c’est-à-dire par une nouvelle Interrogation: le mal,
une improvisation banale? Mais ça c’est une autre question…
J.S.
Débat du 30 Juin 2013: « Un enfant peut-il faire de la philo? », animé par Raphaël Prudencio.
N’en déplaise à la météo, l’été était là depuis le 21 Juin et au Parlement Européen les députés se réunissaient pour une dernière séance avant la pause estivale tandis que, du haut de ses 94 ans, après un long chemin en vue de la libération de son peuple, au seuil de sa mort, Nelson Mandela luttait pour rester en vie, à l’Hôpital de Pretoria. Au Café des Phares®, bien déterminés à poursuivre leur quête, les amants de la philosophie se sont réunis, comme chaque dimanche, dans l’intention, ce jour-là, 30 Juin 2013, de tirer au clair la proposition suivante : « Un enfant peut-il faire de la Philosophie ? », au cour du Débat que Raphaël Prudencio s’est donné pour tâche d’aviver.
Bien sûr, qu’un enfant peut faire de la philosophie ; rarement arrogant, il semble que de la philosophie, un môme en fasse chaque jour et, visage lumineux, sans nécessairement chercher à acquérir la connaissance, son étonnement fait ressortir le mieux qu’il a en lui et qui est source de nouvelles questions, constituant en somme un cercle vertueux assez fécond pour satisfaire le gamin et alerter son esprit ou, au pire, le terroriser, voire, paralyser même, tel que Descartes le supputa. L’âge de raison étant fixée à sept ans, les gosses sont dès lors attentifs aux adultes, ainsi qu’à ce qu’ils disent ou à leur comportement, et capables de les juger, lorsque ces grandes personnes se rendent coupables de mauvaise foi ou de prévarication ; mais, ils sont surtout désireux d’apprendre. Les jeunes sont en possession d’une surprenante fraîcheur d’esprit… Pas sérénité, mais grâce naturelle, pareille à un chant d’oiseau qui se sent libre. S’étonner ? La philosophie n’a pas d’autres origines. S’étonner de l’insolite, s’étonner de l’étrange, s’étonner de l’incertitude, vite transformés, sinon, en inquiétude, en trouble ou en désagrément, quoique cela aussi puisse exciter l’imagination, motiver la recherche et éveiller l’intelligence, également. Tout ça, c’est du pain béni pour un enfant, et quoi de plus beau que les yeux des « petits », éblouis et confiants ; quoi de plus spontané que leur fraîcheur d’âme, qui ne signifie pas « froideur », mais « sérénité », éveil de l’esprit, source des questions à l’origine de la Philosophie. L’Etonnement dénote, certes, un signe d’ignorance, mais aussi de réflexion, dont Socrate et Platon firent l’origine de la philo, une surprise, au fond, causée par un travail de la Pensée ; leur « Etonnement » devant la nature marque bien l’accès à une meilleure connaissance de l’objet, ainsi qu’une commotion, un coup de tonnerre à ébranler l’âme, de la même façon que la stupéfaction du jeune garçon peut se produire devant tout ce qu’il aperçoit, car la philosophie n’a pas d’autre dessin que d’Etonner.
Dans la salle, on a commencé par évoquer Picasso, la pratique de la philo avec des enfants qui commencent par le ‘pourquoi’ puis ‘c’est moi’ ensuite ‘je veux’ et, finalement ‘je’, puis l’acquisition de la logique. A six ans commencent les questions existentielles, car rien ne va de soi, l’angoisse de mort et autres corrélations telles que le corps et l’esprit, puis, parce que la petite enfance ne paraissait pas très intéressante, on est passé à l’écriture, la pensée abstraite essayant d’éviter le bla-bla-bla et, afin de savoir s’il y a ‘philo’, il faudrait réaliser que la question a circulé d’un lieu à un autre, séparant le vrai du faux. Quelqu’un a dit que ce qui importe est la question et point la réponse, et quelqu’un d’autre encore fit une synthèse en trois points : culture grecque (un mentor), ce que l’on sait (le cœur), le film ‘Total Recall’ (de Paul Verhoeven) ainsi que ‘Pulp Fiction’ (Quentin Tarantino), ou vie rêvée, ainsi que Heidegger et « la vraie vie qui n’a de sens que lorsque l’on s’occupe d’elle et pas de philo ».
Bref, l’Etonnement introduit à tout âges la Pensée dans la vie de chacun et lui donne l’énergie nécessaire pour mettre la raison en action. Ainsi, bien que Descartes en souligne le danger, l’Etonnement peut conduire à l’acquisition du savoir, et un enfant en est, par nature, curieux.
Côté ‘percolateur’ il y avait pas mal de bruit mais, une intervenante ayant fait remarquer que « la vérité sort de la bouche des enfants » on a poursuivi, notamment avec l’intervention d’un môme de six ans, puis, revenant sur terre, on a évoqué la théorie et la pratique ainsi que l’angoisse de mort, et fait allusion à l’imaginaire, à la philosophie vivante, à l’école primaire faite de fables ou récits, l’âge de raison, les maths. La période de cogitation qui nous était allouée s’étant écoulée, comme d’habitude, Gilles a mis un terme à l’exercice.
Puis, ayant troqué le temps de la réflexion pour l’espace des commentaires, nous nous sommes trouvés dehors à ressasser les bribes de nos doutes.
Un garçon demande à une fille :
- C’est quoi ton rêve ?
- Que tu m’embrasses sous la pluie ; et le tien ?
- Qu’il pleuve !
Carlos