Débat du 15 janvier 2012:  » Peut-on enseigner la sagesse? », animé par Georges Sefinal.

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Posted on 16th janvier 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Le jour, 15 /1/012, où débarquaient à Paris Yuanzi et Huanhuan, un couple de Pandas Géants (format bébé), espèce rare et symbole d’amitié que, puisant dans son trésor national, l’Empire du Milieu se proposa de prêter pour dix ans à la France, comme s’ils se trouvaient sous un arbre à palabres, les visiteurs du Café des Phares® s’envoyaient dès le matin un sujet philosophique « Peut-on enseigner la sagesse ? », que Georges Sefinal allait essayer de démêler.
N’ayant pas eu l’occasion sur place de le faire immédiatement, je me presse à présent de dire carrément « que non ! » A mon avis, on ne peut pas enseigner la sagesse, et tenter de le faire ce serait une sérieuse sottise de laquelle le niais se moquerait, car la sagesse, c’est une leçon tirée de ses erreurs personnelles et que le sage se tait. Chacun s’en instruisant à ses frais, c’est donc idiot de laisser quelqu’un tirer avantage de nos propres âneries, la seule façon de s’instruire dans ce domaine. Sachant ainsi que l’on ne peut pas être sage avant d’avoir épuisé d’abord toute possibilité de bêtise, vouloir éduquer l’autre dans cette matière serait pour le sensé d’une ridicule immodestie, et il la boucle par conséquent, plutôt que de répandre prétentieusement les copeaux de ses expériences à seule fin de faire profiter autrui de son savoir, car on ne peut pas être sage qu’en vertu de sa propre sagesse, celui qui vit sans un minimum de folie n’étant pas si sage que ça, d’ailleurs.
Comme on sait, le terme « sagesse » ( de sapire, avoir du goût, de la saveur) est donc d’origine culinaire, et la parfaite connaissance de toutes les recettes peut signifier tout simplement la maîtrise de soi, car l’Homme complet, le raisonnable, le sage, n’enseigne pas. Il brille.
Le va-et-vient des micros déréglés démarra avec le souci propre à chacun de « se distinguer, d’enseigner, de transmettre, car la sagesse est un bien à propager en vue de chercher la vérité », et « qui s’accroîtrait avec l’âge », « le sage faisant les mêmes bêtises que le sot mais prenant moins de risques ». Puis, très vite la pensée s’est mise à tourner en rond et décrocha du réel, pour aller « faire un tour du Côté de la Conduite adoptée par maintes civilisations orientales, qui bénéficient d’un préjugé favorable », et des trémolos se firent entendre à ce sujet, puis un des habitués a décrit « un drame personnel qui l’aurait bouleversé », mobilisant l’empathie de tous les présents, pour conclure que « si tu crois pouvoir enseigner un autre, tu es loin du chemin de la sagesse », sur quoi on s’est demandés « s’il faut être sages », nécessité qui paraissait « évidente pour les arcanes du pouvoir », « la sagesse ne pouvant pas se passer de la violence » et, « le vécu, nous portant sans cesse des coups », « susciterait chez chacun la nécessité du discernement, de l’exemplarité et de la mesure » dans le rapport à la vie, tout en sachant que « l’on ne peut pas enseigner sans être sage soi-même » car, dès que « l’on fait de la philo passionnément à la manière de certains artistes, par exemple », on a la paix au point « d’être sages comme des images » ou « l’on devient insomniaque, parce que le pathos fait souffrir » et pour cette raison est « inséparable de la patience, un passage », un passage à vide, « attitude orientale différente de l’occidentale » où « c’est la personnalité qui compte », car « la fin est un moyen » tel que l’enseigne Krishnamurti.
« La puissance du désir est continue » et « la passion conduit aux pires des crimes sans que la sagesse ou la modération y puissent quelque chose » ce qui a amené « Socrate à choisir la mort pour éviter le chaos ». L’évocation du « bouddhisme, distorsion de  la réalité qui peut être obtenue par les arts martiaux, changeant ainsi l’intérieur et l’extérieur », la « relation Homme/Femme s’exprime par la sagesse qui comporte l’efficacité et la justesse », d’un Socrate, « en quête de réalisation de l’humain de manière à faire grandir l’Homme dans sa recherche de la pierre philosophale », « la sagesse étant distincte de la résignation », « quête de la vérité, quête de la liberté », « résultat de la réflexion ou réflexion elle-même ».
Gilles ayant, provisoirement, le dernier mot : « …sagesse monte du visage au regard/ changer de civilisation, transmission, sage mission », tout le monde prit à pied le Chemin de Canossa, de l’autre côté de la place de la Bastille, c’est-à-dire, « Les Associés » pour, dans une foire d’empoigne vouée à fixer le nombre des animateurs, qui de Quatre sont devenus Cinquante-deux (laissant à chacun le temps de voir grandir les Panda), et passer au Robot la légende de L’Ineffable Solitude du Philosophe qui, mise en miettes, toucha dès lors le fond de la marmite de la Sagesse.
-    J’ai plus de jouets que toi, na !…
-    Je m’en fous. J’ai pas une grosse tête, na !…

Carlos

Débat du 9 janvier 2012: « Sur quoi repose le droit de punir? », animé par Nadia Guemidi.

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Posted on 9th janvier 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Une fois repartis les trois Rois Mages, Melchior, Balthazar et Gaspar qui, guidés par une étrange étoile, seraient venus se prosterner devant l’enfant Jésus, et la fève étant tirée au hasard de la traditionnelle Galette, le 8 Février 2012 eu lieu au Café des Phares® l’habituel débat philosophique dont le sujet, animé par Nadia Guemedi, fut « Sur quoi repose le Droit de punir ? », proposé par André Stamberger qui, bénéficiant de la conjonction astrale et scintillement du moment, profitait aussi d’un échange de bons procédés, pour avoir pris le thème de Nadia lorsqu’il anima la polémique du 9 octobre 2011, « Qu’est-ce que l’expérience du corps peut apporter à la philosophie et aux philosophes ». Donnant-donnant ; je t’aide à couper le gazon, tu m’aides à faire la vaisselle, du moins c’est l’impression que cela donne.

Mais, revenons à ce qui nous intéressait, « Sur quoi repose le Droit de punir ? » Sur le « Droit », voyons, faut-il le répéter ?… Le fait est que, dans les divertissements de société, il n’y a rien de plus candide que de poser sérieusement des questions qui contiennent déjà la réponse, une redondance du genre « Quelle est la couleur du cheval blanc de Napoléon ». Pourtant, afin de retourner à notre sujet, il reste à savoir de quelles Punitions s’agit-il, et quel Droit est évoqué, car il y a bien des façons de punir, comme celles des justiciers du Far-West ou des hommes de sac et de corde dans les démocraties de gredins, voire d’autres sortes de crapules qui ne se soucient pas de justifier leurs forfaits, accomplis selon les entrailles de chacun.

Pas besoin donc de sortir de l’Ena pour savoir que toute société moderne se munit d’un Code Pénal dont l’institution judiciaire se sert afin de faire respecter les lois, en ce qui concerne les délits poursuivis par l’Etat, et d’un Code Civil lorsque c’est à la victime d’engager une éventuelle procédure, car en réalité personne ne peut se dispenser de la Justice, lien logique entre ce qui est et ce qui doit être, en conformité avec la Règle et sans qu’il y ait quelque chose à ajouter. Ainsi, revenant à la paillasse sur laquelle est allongé le privilège de sanctionner, dès que l’on évoque le « Droit » (« ce qui doit être »), c’est clair qu’il faut faire une croix sur la Loi du Talion, le bouc émissaire, la Vengeance, les Représailles, les Sabotages et autres plats qui se mangent froids. Le Droit s’oppose aux « Faits » (« ce qui est ») et, pour que la colle proposée pût avoir une consistance, il faudrait supposer une absence de pouvoir légitime dans cet immarscessible univers, pour recourir à des supports, tels que le tripalium, la lapidation ou l’assassinat, afin d’exercer en toute impunité et en dehors du Droit, quelque châtiment que la proposition mise à discussion paraît admettre.

Que reste-t-il, alors ?

Beaucoup de choses ont été évoquées, afin de distinguer « juger et punir », « peine et punition », « le droit et la légitimité », « le moral et l’immoral », « « le rapport des forces en présence », « le Droit et la Loi », « punition et correction », « punition et sanction », « le Totalitarisme et la Démocratie », « punition et humiliation », « la dimension du sacré », « le procès d’Eichmann », « le responsable mais pas coupable », « le besoin de limites », jusqu’à ce que quelqu’un juge « que nous sommes tombés tous dans un piège sans nous apercevoir que la peau enveloppe le corps, ce qui signifie l’existence de règles pour l’intérieur différentes de celles de l’extérieur dont les limites s’agrandissent, sinon c’est la confusion et violence totales », et un autre intervenant ajoute que « seul l’amour peut nous sauver », suivi de l’évocation de la chanson « coupable, pas coupable », « l’erreur judiciaire », « la punition des enfants par la peur », « l’idée de réparation, de responsabilité, d’engagement, de regret », ainsi que « l’école de Maria Montessori (pas de peine et pas de récompense) », plus l’évocation de « la ‘Colonie Pénitentiaire’ de Kafka, où il y aurait autant de cruauté que de drôlerie », ce à quoi Gilles mit un terme avec ses rimes, déduisant que : « …la loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure ».

Que conclure de tout ça ?

Selon divers témoins, quand, devenu grand, Jésus a voulu empêcher une énorme masse de gens en furie de lapider la femme adultère, leur criant : « Que celui qui est sans pêché lui jette la première pierre », tout le monde a arrêté son acharnement, lorsque insidieusement un caillou est encore allé tomber tout près de la fautive. Se retournant, le fils de Dieu aperçut alors sa propre Mère, Maria, et assez contrarié la sermonna : « Maman, je t’avais dit de rester à la maison ».

Carlos

Débat du 1er janvier 2012 : « Sommes-nous quittes ? », animé par Elke Mallem.

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Posted on 28th décembre 2011 by Gunter in Comptes-Rendus

Sommes-nous quittes ?
Le choix du sujet est un moment crucial du débat philosophique. Si on suit les règles établies par le fondateur qui est à l’origine des débats au café des Phares, c’est l’animateur qui prend la décision cruelle d’extraire de la liste des propositions celle qui va servir de fil conducteur au débat du dimanche.
Ce dimanche, c’était moi qui animait. Expérience aussi neuve que l’année. Rassurée par un public clairsemé, dans un cadre plus intimiste que d’habitude (au Falstaff et non au Phares), j’ai du choisir parmi sept propositions celle qui semblait porter le plus de promesses. Et renoncer aux promesses des autres.
« L’ailleurs » me faisait des clins d’œil, mais manipulé par les médias qui nous ont parlé toute l’année 2011 de « la » dette, j’ai opté pour ce sujet : sommes-nous quitte ? Ai-je bien fait ? J’ai fait, en tout cas, et, obéissant, le groupe de participants a utilisé le sujet proposé. Je dois un grand merci à la courtoisie très agréable du groupe présent dont la bienveillance m’a permis de passer un excellent moment.
A mon grand plaisir, j’ai vu s’exprimer tout le monde, possibilité offerte par le nombre limité des participants, Etre quitte et pouvoir se quitter, acquittement, mais aussi savoir se pardonner, équité, égalité, quitus, contrat …. La densité sémantique de l’énoncé s’est déployée progressivement. Dans le réseau des échanges, il me semble qu’une trame revitalisante a réussi de faire un pont du carcan de notre société hyper-organisé, hyper-sécurisé, hyper-réglementé, hyper-contractualisé, bureaucratisé vers quelque chose plus essentielle, plus primitive qui continue à nous habiter. La dette de quoi ? Du don de vie qu’on nous a fait. Dette envers qui ? Le monde qui nous entoure, qui met à notre disposition ce qui permet que nous puissions être. Dette, pour l’humain, envers ses congénères, et pour être quitte, nous devons nous inscrire dans la ronde des échanges et du partage. Ces congénères, ce sont les congénères du passé, du présent et du future. La dette humaine se conjugue non seulement dans l’horizontalité du présent, mais doit inclure le souci du demain. Comment s’acquitter de la dette liée au don de la vie ? Mener une bonne vie ? Qu’est-ce qu’une bonne vie : vaste question qui fait traditionnellement partie des préoccupations du Nouvel An, temps des nouvelles résolutions.
Nous avons du nous quitter quand l’Ailleurs a fait apparition dans le débat, sous appellation « mondes parallèles ». J’y voyais une façon de rattraper la frustration d’avoir eu à renoncer à ce sujet, mais le temps a fait son œuvre de limitation. Ce dimanche là, avec les personnes présentes ce jour là, chacun est repartie dans « son monde ». On s’est quitté, mais est-ce qu’on était quitte? Mais est-ce qu’on s’est quitté ou est-ce qu’on s’est séparé ? D’autres questions émergent…. C’est sans fin, comme toujours. La logique de la vie, quoi…. La seule question peut-être vraiment importante: est-ce que je peux, est-ce que je veux revenir ? (Mon cerveau effrayant me fait un saut vers la liberté ultime, celle du suicide : on peut toujours dire qu’on en ne veut pas, de cette vie!)
Pour ma part, c’est « oui » : je reviendrai!
Au plaisir de vous revoir
Elke Mallem

Débat du 25 décembre 2011 : « Lors des épreuves, ne chechez pas l’ennemi mais l’enseignement », animé par Michel Turrini.

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Posted on 19th décembre 2011 by Gunter in Comptes-Rendus

Débat du 18 décembre 2011:  » Nos idées sont-elles nos amies? », animé par Claudine Enjalbert.

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Posted on 19th décembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

A l’approche de la Nativité, les enfants de presque toute la planète surveillent attentivement chaque geste accompli aux abords de la cheminé et autour du pied du sapin de Noël, tandis que du côté du Café des Phares®, le 18 décembre, ce que l’on avait à l’œil c’est le « groupe de pilotage de l’activité philosophique » du lieu, c’est-à-dire, l’intelligentsia brevetée des autoproclamés héritiers d’un chimérique legs censée gérer les réactions méningées du néophyte, ainsi que le tabouret, où d’ordinaire prend place l’animateur du débat hebdomadaire, en l’occurrence Claudine Enjalbert, chargée de modérer le zèle excessif des participants au débat à trancher ce jour-là : « Nos idées sont-elles nos amies ? », ou de le relancer, si d’aventure il laisserait coi plus d’un, ce qui ne se vérifie quasiment jamais.

Pour ce qui est du « groupe de pilotage », on reviendra là-dessus le moment venu. Quant au sujet du jour, et à propos de la fine sensibilité des idées, je ne pus qu’épouser la rumeur qui conçoit l’amour comme un sentiment versatile. Ainsi, il me serait aisé, donc, par un simple désintérêt de ma part, de délaisser le souci de protéger les idées me concernant en entier dès que, ne faisant preuve d’aucune affection pour ma personne, je viendrais à m’apercevoir qu’elles me cherchent ou me fuient selon l’humeur du jour ou la façon dont je les accueille, c’est-à-dire, si je leur offre ou pas un verre à boire. C’est assez courant, en effet, que la dissolution des idées, toujours à la merci d’un coup de Trafalgar, se fasse au hasard des émotions ou des passions, de l’impression d’un parfum, du voleter d’une jupe, du frisson du sublime, d’une rage de dents ou des embarras d’une mauvaise digestion et, finalement, on ne sait plus, de l’idée ou de l’amitié, laquelle supporte l’autre ; selon qu’elles se stimulent ou se contrarient ? L’hypothèse restante serait le fait de l’envoûtement philosophique, enclin à attester exclusivement du Moi, et, dès lors, puis-je être aimé par la phrase que je viens de dire ou par les idées les plus chimériques dont je perds le fil ? N’étant que représentation abstraite et générale d’un Etre, c’est-à-dire, un instrument de la Pensée, les Idées n’existent qu’en fonction des déterminations que l’esprit impose aux choses, et dès lors insatisfait, je me suis demandé si l’Etre conscient, c’est-à-dire, « Enai » (l’entité qui désigne ce que nous ressentons) est instruit de ce qui n’est pas « Soi », au point de savoir y rattacher des sentiments ou autres minauderies, telles que des compromettantes Idées. Celles-ci, seraient-elles attachées à moi au point de m’aimer comme une mère aime son enfant et prodigueraient à mon endroit des attentions et autres égards plus attentifs encore ? Si tel n’était pas le cas, courrais-je le risque de me sentir mal aimé de mes propres pensées ? Ou serais-je amoureux de moi au point de m’attendre à des mamours ou autres phantasmes de la part de mes Idées, alors qu’elles sont ici un objet de la Logique, et nullement l’espoir de partir en vacances et d’y revoir mes copains ?

Prévenante, Claudine s’efforça de suivre le fil, récoltant les expériences et appartenances des participants, « le principe intelligible des choses, ainsi que leurs relations », et plusieurs idées se sont alors dégagées comme la référence au « Gorgias » de Platon, tandis que d’autres taxaient ces mêmes Idées de « putains du diable », « l’important étant ce que l’on en fait », « puisque souvent on est porté par elles ou leurs rapports intimes » et que « l’idée, étant personnelle », « demande une adhésion de la volonté » qui, « peut faire des ravages malgré tout ». « A propos de maths, les idées préexistent-elles à l’Homme ? » Cela « présuppose une adhésion », d’où la cocasse « l’idée de l’Allemagne nazie, alliée aux Japonais parce qu’ils seraient ‘des ariens jaunes’ ». « Ne pensez pas, consommez », proclament certains Politiciens, d’autres verraient dans l’Idée « un supplément d’âme » ou « un objet fabriqué par la pensée », Descartes étant dès lors mis à contribution à propos « d’idées adventices et factices, le sujet « s’opposant à la croyance, du fait de l’inutilité de Dieu, du moment que l’on a des amis », d’où un « appel à une convivialité à l’endroit des émigrants et passagers clandestins qui sont étrangers à eux-mêmes ». « Nous naissons dans un langage humain empreint d’une certaine culture, fut-il dit, auquel nous adhérons tout en prenant des distances », quelqu’un constatant pertinemment, que « nous relions deux termes (ami et idée) qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre d’où ressort que ‘l’idée’ serait extérieure à soi et que, n’y ayant pas d’enjeu dans l’analyse, on se disperse », « excluant la violence », mais incluant « Freud et ses associations d’idées, basées sur des jeux de mots , tandis que Lacan s’intéressait aux jeux de sons», après quoi nous sommes passés à « Zeus, Prométhée, Dionysos ou Héra », et aux « les Idées qui s’incarnent en nous », telles que celles de « changer de vie, comme Bouvard et Pécuchet, décrits par Flaubert ».

Et pourtant. L’aspirant philosophe a l’impertinence du bonimenteur, plutôt crever que de se taire et, même s’il va nulle part, il fonce, car le silence lui devient douloureux comme s’il était la fin de tous les possibles. Au risque du délabrement du discours, il voit dans chaque sujet proposé un moulin à vent auquel il se confronte, et dans sa parole un habit de lumières, ce qui revient à la question : « Puis-je être aimé pour ce que je vais dire ou par les chimériques idées dont je perds le fil ? »  Or, représentation abstraite d’un Etre, l’Idée n’est pas un Etre en soi. Elle est l’essence immatérielle et éternelle qui rend compréhensible le monde palpable.

Gilles, mit enfin un terme à la séance affirmant, dans sa poésie, que : « L’Idée, [est] un porte-manteau qui, comme une fleur nous affleure ».

 

Carlos

 

 

 

 

 

Débat du 11 décembre 2011: « La Philosophie tourne-t-elle en rond, lorsqu’elle ne mobilise que l’intellect ? », animé par Pierre-Yves Delpon.

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Posted on 12th décembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

La période de l’Avent est le lever de rideau des magies de Noël et, le 11 décembre, ça valait le détour de se promener, à Paris, circulant dans les petits marchés où l’on vendait déjà les sapins serrés dans des filets tubulaires et exposait un tas de babioles, de broderies, de confiseries, de pain d’épices et chocolats, certains marchands allant jusqu’à vous faire goûter du foie gras, du vin chaud ou un bon bol de soupe aux oignons, tandis qu’à côté, dans une ambiance de fête foraine, le peuple philosophe grouillait au Café des Phares®, afin d’ergoter à propos du thème : « La philosophie tourne-t-elle en rond, lorsqu’elle ne mobilise que l’intellect ? », un motif de discussion choisi et mis en marche par Pierre-Yves Delpon qui en a fait un vrai manège. « La phi-lo-so-phie tour-ne-t-elle-en-rond, au-tour de nos vies com-me un tour de tou-pie, la, la, la ; la, la, la, la ».

Le cerveau, c’est bien connu, est un organe prodigieux qui se met en action dès que nous nous réveillons ; hélas, il commence à flageoler lors que l’on arrive aux Phares car, tel les chevaux de bois qui pivotent autour d’un axe fixe, nous nous embarquons là, jusqu’à la griserie, dans un jeu de rôle à soulever le cœur, ce qui ne se fait pas avec le dos de la cuillère. Pourquoi ne tournerait-elle pas en rond, la philosophie, sachant que la ligne droite n’est pas ipso facto la meilleure façon de courir d’un point à un autre ? « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », ressassait « en rond » le père de la maïeutique. Une bonne occasion pour lui montrer que nous, nous savons tout et, palabrant, nous nous y sommes vaillamment pris, faisant valoir que « la philosophie ne tourne pas en rond mais reste enfermée dans un cercle d’initiés », « tout étant déjà explicité par Heidegger ou Nietzsche » et que « l’on pense en même temps que l’on existe, comme le démontre Edgar Morin », « personne ne pouvant décider ce qui est bla-bla-bla ou pas » alors que « c’est aux philosophes du XVIIème siècle que l’on doit l’abolition de la torture à Florence », « philosopher étant ‘penser sa vie’ et ‘vivre sa pensée’ », comme le préconise « Pierre Hadot face au sentiment d’exister en présence d’un ciel étoilé », « que l’on ne philosophe pas, si on ne mobilise pas l’intellect », « ‘l’être entier’ » « ne devant pas faire toujours la même chose, mais accumuler des expériences », malgré le spectacle « d’une humanité qui tourne en rond avec des guerres toujours répétées au lieu de s’en extirper pour de bon », en dépit « du mythe, au-delà des mythes babyloniens des anges, tel celui d’Hermès et des nymphes », jusqu’au « zodiaque », « à l’être bien dans son corps et dans son âme », « l’éthique et la discipline des artistes, tels que Shakespeare », « toutes les figures étant construites à partir du cercle », dont la « magnifique métaphore d’‘un beau 69’».

En gros, ce fut donc ça, le débat, que Gill a terminé avec ce vers de sa poésie: « caressez un cercle, et il deviendra vicieux! »

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement », comme on dit. Or, la Philosophie n’étant pas une science, les pièges qu’elle risque, outre l’erreur et le non-sens, sont les jeux de langage où la pensée tourne en bourrique, jusqu’au décrochement du réel, et on a vraiment tout essayé, jusqu’à n’en pouvoir mais, quoique, si j’ai bien compris, ce dimanche, il nous fallait conclure que la Philosophie (une certaine conception du monde et de la vie obtenue par la mise en œuvre de la Raison, autrement dit, l’Intelligence), ne serait pas une discipline parfaitement efficace, si d’aventure elle ne venait qu’à mobiliser l’Intellect, c’est-à-dire, à ne faire appel en somme qu’à la simple faculté de connaître la Vérité. En l’occurrence, elle se mettrait derechef à tourner follement en rond !!! Elle se disposerait à graviter autour de son axe, de tels remous entraînant ipso facto la pensée dans un mouvement insensé de rotation propre à nous abasourdir. Que faire ?

Un nom qui désigne la  faculté de connaître, l’Intelligence, en d’autres termes, l’Intellect ou la capacité en somme de penser de façon personnelle, de discerner, de raisonner, d’imaginer et créer des illusions, serait-il à même de, tournant en rond, nous rouler dans la farine ? Oui ! L’Intellect ne produit pas le pensable. Certes, la philosophie engage dans l’action, le corps, les émotions, la raison et la logique mais, sa roue de secours, l’objet intentionnel dans l’acte même de Pensée est la Noèse, un cheminement vers soi-même, dans le processus d’individuation.

Il en reste nonobstant qu’un taré qui se dépêche ira toujours plus loin qu’un sage, méditant, assis dans la position du lotus, devant un « Tape-cul » enchanté par l’Orgue de Barbarie.

Carlos

 

 

Débat du 4 décembre 2011: « A quoi reconnaît-on ses amis », animé par Gérard Tissier.

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Posted on 5th décembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Au lendemain de deux Marathons télévisuels, l’un dédié à l’exaltation du corps féminin en vue d’un titre de Miss France, l’autre à un Téléthon appelant à la solidarité dans la lutte contre la Myopathie, maladie qui affaiblit la masse neuromusculaire des enfants qui en pâtissent, le 4 décembre donc, au Café des Phares®, les sujets présents ont pu participer au débat « A quoi reconnaît-on ses amis ? », animé par Gérard Tissier.

« Ô mes amis, il n’y a pas d’amis », dirait Aristote utilisant une contradiction performative reprise par Montaigne, car en effet rien ne permet de confirmer ou infirmer la reconnaissance d’un ami, parce qu’il n’existe aucune recette propre à jauger son prochain de façon à justifier la confiance qui lui serait faite, l’amitié étant un parapluie qui peut très bien se retourner. Toutefois, l’évocation de ‘Facebook’ et ‘My Space’ a ouvert la discussion chez nous en tant que panacée quasi providentielle pour le commerce cosmopolite entre les Hommes et a répondu immédiatement à la nécessité mécanique de se faire des amis, alors que cela ne se fabrique pas ;  dès que je l’ai entendu donc, je me suis dit « c’est mal parti ». En effet, l’amitié, ça s’élabore, et ce que nous aimons en nos potes c’est le cas qu’ils font de nous, un moyen sûr pour les identifier. Comment ça se fait ? « Par le partage, la confidence », disaient les uns, « c’est la seule relation humaine » ajoutaient des autres, car « ça se construit dans le faire ensemble », même si « dans le B, ami de A, il faut voir qui est A », cet « ‘A’ auquel on accorde son assentiment nous fiant à ses jugements ». « C’est quoi un ami, pour moi ? », se demande-t-on. « Selon le Talmud, ce serait la relation à un maître qui mérite respect, un donnant-donnant ou réciprocité qui fait vibrer l’amitié », « une constance dans le temps », « l’assistance à un ami étant de l’ordre du devenir » puisque « retrouver un vieil ami est comme si on l’avait quitté la veille : acte gratuit, spontané », ou « abolition de la temporalité », le tout suivi d’une « digression dans les liens du sang aussi bien que de la solitude où se trouverait le ‘un’ », « l’amitié qui se fait à notre insu », et tout à l’avenant : « l’enfer c’est les autres », « le coup de foudre », « l’intégrité », « quelque chose de magique qui facilite la conversation » et « où l’on dit des choses pas répétées à tout le monde », « amitiés précieuses, au passage de deux à trois », « l’amour platonique », « l’‘intérêt’ qui, nécessitant un témoin, interdit l’amitié, rare et fragile car l’amour va et vient mais on a besoin de lui comme de l’eau fraîche ». Ensuite, vint la « question du processus : ‘à quoi reconnaît-on un ami’ ou l’on est reconnu par lui, en dépit du fait que l’on se ressemble déjà, et que l’on crée dès lors une relation durable » ; « quelle différence avec l’amour, la constance entre personnes singulières étant difficile à assurer, et la trahison signifiant un carnage, la guerre, c’est-à-dire, une libération collective », puis « les copains d’abord à la Brassens », « les faits d’armes », « la petite amie qui s’est éloignée ne laissant sur place que le malheur, en bref, l’essentiel » à quoi on a ajouté « les critères, les paramètres et la dimension spirituelle du sentiment, l’amitié se méritant et étant à la portée de tout le monde », ce qui serait « contredit par Pierre Drieu La Rochelle et autres écorchés vifs qui partagent leurs fragilités », suivis de la « différence entre singulier et pluriel, un ami, ou des amis de ‘Facebook’ (encore), le wagon étant différent de la locomotive (et de ses rails, tant que l’on y est), une identité plurielle et des points de vue qui ne sont pas de la philosophie au vrai sens du terme ; si pas de wagons et pas de paysage, il y a une énigme dans le débat collectif ». Nous avons encore eu droit à « l’amitié comme une pelure d’oignon où l’on se découvre soi-même et on grandit avec l’autre grâce à ‘Facebook’ (à nouveau), dans l’émotion et le partage », le tout terminant par la poésie de Gilles qui voit « dans l’amitié le sourire de l’autre », suivi de la question rapportée de Finkelkraut, à propos des café-philo : « Peut-on faire de la philo en commun ? » et de sa réponse : « On ne peut pas faire de la philo au café philo car pour philosopher en commun il faut être avec des amis ».

Voilà, voilà !

Essayant de convenir à la circonstance, j’ai tout essayé et, en désespoir de cause, me suis arrêté aux « Affinités électives », ouvrage au sein duquel, inspiré de la « Chimie du Temps » d’Etienne François Geoffroi, Goethe tente une approche de la passion amoureuse en tant que puissance naturelle. Cela consisterait dans une substance secrète chargée de signification mythique, c’est-à-dire, une loi conforme à l’ordre des choses à laquelle le poète de Weimar aurait adhéré, tout en la reniant, et qui produirait ses effets en conséquence de l’unité du cosmos dont les préceptes feraient sentir leur nécessité jusqu’au cœur des libres décisions rationnelles.

Résumons : Les meilleurs amis ne le resteront pas forcément, et « dans le conflit amitié/vérité, je donne la préférence à celle-ci » renchérit Jean Michel Carretero, suivant ainsi Aristote (‘Ethique à Nicomaque’) qui avouait, lui : « Amicus Plato, sed magis amica veritas » (Je suis l’ami de la vérité plutôt que de Platon), parce qu’il ne partageait pas les idées de son maître. En somme, appuyé à la schématisation des rapports empruntée par Roland Barthès à « Esther », la fameuse tragédie de Racine, c’est-à-dire, basé sur les relations entre Mardochée (A) et Esther (B), j’ose en déduire le paralogisme suivant : A aime B, alors que B aime C qui n’a, lui, personne à aimer.

« Les amis du présent

Ont le naturel du melon ;

Il faut en essayer cinquante

Pour rencontrer un de bon. »

Carlos

Débat du 27 novembre 2011: « Peut-on choisir entre l’ordre et la justice? », animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 28th novembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Traversant le Marché de la Bastille, dimanche 27 novembre, parce que c’était jour de sainte Cécile, j’ai failli rester près du jet d’eau à écouter un non voyant qui jouait du violon avec une telle sensibilité que tous les fruits et légumes, poissons fromages et viandes paraissaient se réjouir, toutefois, après avoir mis mon obole dans le chapeau de l’artiste, comme d’ordinaire, je me suis dirigé la tête en l’air vers le Café des Phares®, où Daniel Ramirez allait animer une discussion autour de l’embarras du jour : « Peut-on choisir entre l’ordre et la justice ? » , posé tel une de ces étendues desquelles on est sensé douter afin de conforter son sentiment d’exister.

Penchés sur le zinc, les habitués y posaient la petite musique de leurs habituels « Petits ‘Peut-on ?’ », tandis que d’autres les fredonnaient à partir des différentes tables réparties dans l’établissement.

C’est ainsi que, comme par hasard, c’est « Billy Budd, marin », le malheureux héros de la nouvelle d’Hermann Melville, la figure qui paraissait être à même de nous sortir du dilemme du jour, le colportant, à la manière d’un incontournable « must » ; un révolté, en somme, ce qui n’est pas vraiment notre cas. Pourtant, je venais fortuitement de croiser moi-même le matelot dans la « News Letter » du TGV le 4/11, puis dans l’émission « Répliques » d’Alain Finkielkraut le 5/11 « Penser le bien et le Mal avec la Littérature », ce qui laisse croire qu’en ce moment le bonhomme est servi à tout propos.

Et patatras. L’espace d’une heure nous avons eu droit à la devise des dictateurs sud-américains très enclins à : « l’ordre », à la « justice » et au « progrès ». Il a été rappelée « la raison d’Etat », « l’aide en matière de sécurité » à apporter à la Tunisie en ébullition, on s’empara du film « L’ordre moral » parce qu’il faut toujours faire cas des nouveautés qui passent dans les salles obscures, puis de la « grotte d’Ouvéa » en Nouvelle Calédonie où sont morts 19 kanaks et 4 gendarmes le 5 mai 1988, ainsi que de « la justice en tant que concept » ou « condition de l’ordre ». Il s’ensuivirent des divers et pertinents ajouts, dans le domaine de la « thermodynamique », de l’« Hall de gare », de la « Loi martiale », ou sur la « Lobotomie », les « travaux de Foucault » et de « Rawls », « les motifs qui nous mènent à agir étant finalement de la sphère de l’étique plutôt que de la morale »,

Du moment que « Peut-on choisir entre l’ordre et la justice ? » est une question suivie d’un discours qui n’élucide pas, forcément, les sentiments, et plutôt les émousse en raison d’une absence de contenu d’où résulte une pénible langue de bois, il n’est pas aisé de manifester sa préférence entre les différentes catégories du jugement : « l’ordre » ou « la justice ».

Il y aurait là donc, à distinguer d’abord entre légitimité et légalité. La justice requiert pour le moins une conformité au droit naturel et un sentiment d’équité ou impartiale application des règles dans une institution de fait, ce qui est légal n’étant pas forcément légitime. Dès lors, puisque je peux régir de façon injuste, il y a à distinguer l’équitable et le bien fondé, vertu civique susceptible de modifier la règle générale y substituant un décret légal, discours et raison se validant mutuellement, ce qui fait admettre leur appartenance  à une certaine catégorie de pensée.

Mais, voyons ! « L’ordre » ! Quel « ordre » ? L’organisation sociale ? « La justice » ! Quelle justice ? La vertu, dite cardinale ? Bien qu’apparentées, ces deux représentations ne font pas partie des mêmes  catégories de jugement, tant est si bien que l’on peut parfaitement minimiser l’ordre tout en magnifiant la justice ou vice-versa, être laxiste à propos de la justice et intransigeant en ce qui concerne l’ordre.

Il y en a, par contre, qui, près de l’anomie, refusent toute cause première ; « Il y a un pour cent, et pourtant ils existent, chante Léo Ferré, l’âme toute rongée par des foutues idées… l’amour au point, bras dessus bras dessous… », les Anarchistes, purifiés volontairement, par une révolution intérieure, de toute pensée de domination. Le A dans le O.

Enfin. Toujours la tête ailleurs, je suis resté un moment accoudé au bar où Hannah Arendt évoquait son essai sur la Révolution française ajoutant qu’« aucune philosophie ne peut se comparer à une histoire bien racontée », tandis que, offert aux corbeaux, le corps ballant de Billy Budd pendait odieusement de la grande vergue du « The Bellipotent ».

Carlos

Débat du 20 novembre 2011: « Que peut la philosophie, aujourd’hui? », animé par Michel Tozzi.

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Posted on 21st novembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Après avoir, le troisième jeudi de novembre, expérimenté un vieux mal de tête pour m’être prêté, dans la chaleur de l’amitié d’impénitents copains (et copines), à la célébration du beaujolais nouveau, comme il se fait de part le monde entier le même jour, à la même heure, au cours du plus grand mouvement de fraternité universelle jamais obtenu, le dimanche 20 novembre, premier croissant de lune, c’est Michel Tozzi qui, assisté de Marcelle, est venu nous donner la béquet au Café des Phares®, dirigeant le débat : « Que peut la philosophie, aujourd’hui ? »

Comme ça, spontanément, je serais tenté de répondre : « Pas grand-chose », puis je remplacerais même cette question par une autre « Que peut la philosophie ? » tout court. En effet, parce qu’issue de l’oracle de Delphes, il me semble qu’elle est capable de tout saisir et régler à n’importe quelle date, opérant dans les différents domaines à l’aide de ses vieux concepts aussi bien que de nouveaux. Plus qu’une voie donc, c’est une voix déjà morte, mais bien ancrée dans notre mémoire, que l’on revisite régulièrement, de nos jours plus que jamais puisque, ayant perdu sa portée transcendantale et ses fondements en politique, elle survit dans la littérature de bazar, gare ou aéroport, déclinée en philo-hédonos (le plaisir à tout prix), philo-somatos (l’amour de soi) ou philo-nikos (la rage de vaincre). Capable de s’emparer de tout, la philo est la main de notre cerveau et c’est ainsi que, empruntant les ponts et passerelles jetés entre toutes les disciplines, la phénoménologie divorce de l’herméneutique et, opérant un repli sur la subjectivité du moi, se répand dans les plus impertinents jugements en tous domaines.

Objectivement, la Philosophie n’est pas un lieu de pouvoir et de ce fait, on peut confronter les points de vue les plus saugrenus mais pas en juger définitivement, la vérité (accord entre la pensée et la réalité), la vérité universelle donc, étant impossible, rien ne permet par conséquence de démontrer que le monde soit rationnel. La conviction ne pense pas, bien que d’ordinaire ce soient des avis que l’on formule ici ou là, pourtant, puis ce qu’en général ceux-ci ne sont pas contrôlés, nous nous trouvons toujours dans l’illusion, même sans être forcément dans l’erreur. Dès lors, toutes les croyances se valent, ce qui d’emblée les invalide dans leur ensemble et elles finissent par terminer leurs jours dans l’imaginaire. Ainsi, parce que objectivement invérifiables, nous ne pouvons pas juger des différentes appréciations, une sorte de démocratie de l’opinion étant de mise une fois que l’on respecte la réciprocité des échanges. L’expérience est toujours particulière, et pour ce motif, subjective, tandis que la liberté demeure une exigence intérieure ; à chacun sa vérité, et c’est la virtuosité rhétorique donc qui établit la différence dans l’amas des opinions (doxa) où l’on peut confronter nos jugements personnels (le logos).

Et pour cause ; « la philosophie a failli disparaître au XIX siècle, comme nous a fait savoir l’animateur, en raison de l’essor d’autres sciences, au sein desquelles pourtant, il n’y avait pas de place pour la métaphysique ». Voilà pourquoi la curiosité des participants au débat c’est successivement intéressée au « rôle des Mathématiques », de « la Politique », de l’ « Economie en son sein, bien qu’elle ne doive pas être soumise à aucune sorte d’experts ou d’harcèlement » mais que, « de par sa source même, soit aux prises avec la mort, l’existentiel (Heidegger), ainsi que la religion et l’art ». Sur ces entrefaites, surgit le doute sur « la formulation du sujet », « la philosophie étant production avant d’être objet d’utilisation, ‘qui peut ?’  demandait donc un champs d’application précis comme la sécrétion de l’araignée par rapport à sa toile qui risque de partir à côté ». L’anicroche étant mise sous le boisseau, il a été alors question de « se placer au service de la philo au lieu de la mettre à sa propre disposition », proposé par l’intervenant suivant, pastichant ainsi un des Présidents de l’USA.

A ce moment, intervint la synthèse de Marcelle qui dégageait « trois pistes : celle du sens, une autre de la philo vis-à-vis de la politique, et une troisième concernant la philo par rapport à la science », à la suite de quoi un des participants a éprouvé le besoin de poser cinq questions, à savoir : « la philo en tant que fonction, la philo dans l’esprit de Wittgenstein, éventualité d’une philo sous-jacente à tout, quelle partie de nous-mêmes y serait affectée, quelle sorte d’appartenance ?».

Enfin. Faisant allusion à une boutade de Umberto Ecco, pour qui la Philo est la « ‘tetrapilectomie’, ou l’art de couper les cheveux en quatre », un habitué ajouta qu’ « elle s’évertue à établir la distinction entre ce qui est et ce qui n’est pas », un autre a rappelé « la figure soixante-huitarde de Mouna », un autre encore s’inquiétant de savoir « Qu’est-ce qui s’affirme chez le sujet pensant ?». On a finalement évoqué « le cul-de-sac » dans lequel on pataugeait, « la philo ne répondant pas à tout, et que seuls les Hommes, philosophant ou pas, peuvent faire quelque chose, aujourd’hui comme hier et demain », puis l’animateur remit « la problématique dans sa perspective historique, étant donné qu’elle n’est plus ce qu’elle était », à la suite de quoi, Gilles à tout résumé dans la poésie qu’y manquait et, satisfaits, nous nous sommes dès lors dispersés.

P.-S. Je serais prêt à financer une minuterie pour chaque micro, car, en dépit du bon sens, sans être fécondes, quelques interventions au café des Phares sont très souvent extrêmement cancanières pour ne pas dire d’un mortel ennui. Même à deux, ça ne se fait pas, par décence ; à un certain âge, il faut apprendre à retenir son incontinence verbale, parce que maman n’est pas toujours là pour passer la serpillière comme il serait nécessaire, ces interminables soliloques éclaboussant partout, façon désobligeante, quasi obscène de s’exhiber dans un geste gratifiante uniquement pour l’ego du solipsiste puisque, dans un tel merdier, on ne maîtrise plus rien, le seul souci étant de faire valoir une certaine faconde (égal si elle n’est qu’à la mesure d’elle même) et vogue la galère, en dépit du judicieux principe qui devrait nous guider « sapere aude », « osez être sage ».

Carlos

Débat du 13 novembre 2011: »La Démesure; toujours plus! », animé par Sylvie Petin.

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Posted on 14th novembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

M’étant arrêté le 13 novembre pour acheter « Le Monde » dans le kiosque à journaux qui se trouve en face de la Banque de France, j’ai parcouru vite fait le Magazine « Entreprendre », où il était question de « créer des entreprises avec une idée » et de « jeux avec l’euro » ou encore de « prêts pour jeunes micro entrepreneurs », « comment danser avec des milliards » sans  négliger les « crêpes dentelle », ainsi que les « thermomètres textiles » suivis d’autres saga d’exploitants en herbe. Puis, me faufilant dans la cohue des consommateurs présents au Café des Phares®, j’ai pu trouver une place au fond de la salle, afin d’assister au débat philo sur « La démesure, toujours plus ! », que Sylvie Petin se proposait d’animer.

Ça tombait pile-poil, au vu de ce que l’on endure ces derniers temps, et l’on a mis immédiatement l’accent sur l’avidité et la cupidité en tant que risques majeurs pour les sociétés qui ne se donnent plus de limites, « tout est possible » devenant le nouveau paradigme de chaque Facebook, alors que le « toujours plus » pose des problèmes, et que « Les tonneaux percés des Danaïdes », Diogène qui se dispense de son gobelet, ainsi que l’abus du scanner, furent avancés comme illustration du gâchis.

Etait-on au diapason ?

Comme il fallait s’y attendre, surgit alors l’«ubris » grecque, ou la « démesure grandeur nature », et avec elle « les Symphonies de Beethoven au service de la Publicité », « le Nombre d’Or », « les voyages sur la Lune », « le Château de Versailles », « le Tsunami », « tout ce qui dépasse l’ordre de l’Humain » et lui fait « péter les plombs », le « toujours plus », « la jouissance illimitée dont parle Dany Robert Dufour dans ‘L’individu qui vient… après le libéralisme’ », « un autre modèle d’Homme issu du Monothéisme de Jérusalem et du Logos et la Raison arrivés d’Athènes », suivis pêle-mêle de « l’action d’Alexandre le Grand », du « Roi Midas », de « l’Art Contemporain », du « portrait de Jésus en Larmes de merde » et de « la sentence de Protagoras, ‘L’Homme est la mesure de toute chose’ », ainsi que de « la maxime orientale ‘Fermez votre main vous posséderez le vide, ouvrez-la vous posséderez l’univers’ ».

Où faut-il s’arrêter ? Est-ce quand ça déborde que l’on ferme le robinet ? Comme, plagiant Epictète, disait en 68 le Premier Ministre, Pompidou, à propos de la « chienlit », « Une fois que l’on a dépassé la mesure il n’y a plus de limites », tel que l’on peut constater, ce n’est pas parce que l’on sort l’« hubris »  de sa manche que l’affaire est réglée.

Pour les grecs, le destin, à rapprocher de Moïra, est la part de malheur ou de bonheur impartie à chacun, et l’Homme qui commet un abus est coupable de vouloir plus que la portion qui lui revient. Dès lors, le châtiment de l’« hubris » est la « némésis », un sentiment violent et vengeur qui, par un souci de justesse, fait retourner l’individu à l’intérieur de ses limites « l’hamartia », une espèce de batte à deux bouts permettant l’erreur ainsi que la folie. A elle s’oppose la sagesse « sophia », une maîtrise des désirs par la raison et la connaissance, c’est-à-dire, un idéal de vie ou science du bonheur qui, dans un perpétuel mouvement des choses, forcerait l’Homme à trouver des alternatives et à connaître ainsi le « logos » qui agit toujours et partout.

Quel serait, dès lors, le souverain bien ? Chaque philosophe enfourchant son propre dada, on peut choisir la Contemplation, comme Aristote, la Cogitation à la manière de Socrate, ou une troisième voie telle celle du « non-être » qu’adopta Parménide, sorte de « Tempérance », Vertu Cardinale qui inclut la sobriété, l’abstinence et la continence auprès des trois autres, la Prudence, la Force et la Justice. Dès lors, à l’« hubris », un sentiment violent et criminel, puisqu’il incluait les voies de fait, les violations et l’abus des biens publiques, les Sept Sages grecs ont opposé la devise « Rien de trop » (méden agan) mais, parce que démesuré, déraisonnable, contraire à la nature et au respect du logos,  ils l’ont considéré donc « alogos ».

Ainsi, les vertus de modération étant souhaitées dans l’espace public, dès que le héros pose problème, parce qu’il est excessif et se taille une meilleure part du destin, la Moïra lui fixe ses limites, le cas échéant c’est tout l’équilibre de l’univers qui se trouve en cause.  L’ordre et la mesure sont donc incarnés par Apollon, l’ivresse et la démesure, revenant à Dionysos ; l’un fournit dès repères rassurants, l’autre ouvre des abîmes redoutés autant que convoités dans le mouvement dialectique de la contestation de la norme que le désir fait éclater et qui est le propre de l’Utopie.

Enfin, ce fut un Débat-Bouffe, comme il y a des Opéras du même genre, car la retenue peut être perçue telle une jouissance, une vertu même, étant donné qu’une chose est certaine : aussi démesurée soit-elle, la grandeur de l’âme ne peut pas nuire. Tout, sauf la médiocrité.

Carlos

Débat du 6 Novembre 2011 :  » A l’impossible nul n’est tenu ? », animé par Christian Cavaillé.

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Posted on 11th novembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

 

À l’impossible nul n’est tenu ?

Je propose d’interroger la question et de la préciser en la reprenant et en la répercutant dans plusieurs questions.

1 – Est-ce que l’adage courant fait valoir un réalisme raisonnable ou bien est-ce qu’il favorise et justifie la résignation ?

On dit que personne n’est obligé de réaliser ce qui est au-dessus de ses forces.

Quelqu’un tombe à l’eau ; je ne suis pas un très bon nageur ; j’appelle les secours ; on ne peut m’accuser de non-assistance à personne en danger ; mais peut-être vais-je me reprocher de n’avoir pas tout tenté, de n’avoir pas pris autant de risques que j’en aurais pris pour un proche, de ne pas m’être préparé à affronter de telles situations. Ne dois-je pas me tenir pour moralement tenu de porter secours, de tenter ce qui semble impossible, de refuser de me résigner ?

Le baron de Münchhausen prétend s’être arraché d’un marécage dans lequel il s’était embourbé avec son cheval en s’enlevant par ses cheveux tressés en catogan et cela par la propre force de son bras, lui et son cheval serré fortement entre les genoux… C’est impossible et ridicule mais ne faut-il pas tenter essayer de se prendre en main pour s’arracher à la servitude ambiante ?

Faut-il éviter de « prendre ses désirs pour des réalités » ou bien se

réclamer du slogan de 68 : « Soyons réalistes, demandons l’impossible » ?

La question concerne-t-elle tout un chacun ? Y a-t-il seulement l’héroïsme spectaculaire des hommes exceptionnels ou aussi et d’abord l’héroïsme discret dont tout un chacun est capable ?

2 – La question initiale est-elle bien posée ou faut-il la reformuler ?

Faut-il en rester au registre juridique et moral ? L’impossibilité est une notion logique. La logique distingue les modalités, soit les manières diverses d’affirmer et de nier avec plus ou moins de force quelque chose : quelque chose est dit nécessaire ou possible ou contingent ou impossible.

Ces quatre modalités sont interdépendantes : le nécessaire est ce qui ne peut pas ne pas être ou ce qu’il est impossible de nier, l’impossible ce que l’on ne peut que nier, le possible est le non impossible, le contingent est le non nécessaire…

Cela reste formel et verbal ; pour aller vers le concret on peut faire correspondre à l’impossible ce qui est exclu, ce qui est interdit, ce qui est à la fois désirable et inaccessible ou bien fascinant et repoussant ; de toutes façons, il faut en venir aux nécessités, contingences, possibilités et impossibilités réelles. Mais de quoi le réel est-il fait ? Est-il constitué simplement de nécessités ? N’est-il pas constitué aussi de contingences (d’événements ou d’accidents qui auraient pu ne pas avoir lieu) et de possibilités, de choses non encore réalisées ou incomplètement réalisées ? Et ne faut-il pas inclure aussi dans le réel l’imaginaire, les désirs chimériques, puisque très réellement nous imaginons, nous avons des désirs chimériques ?

Faut-il opposer le réel et l’imaginaire ou bien aller jusqu’à dire que l’impossible est réel ? Est-ce que l’on ne risque pas d’être pris dans un tournoiement de vaines subtilités : nécessité de l’impossible, possibilité de l’impossible, réalité de l’irréel, etc. ?

Faut-il maintenir dans la question le terme d’impossibilité pour désigner ce qui est réellement irréalisable, inaccessible, intotalisable, intraitable ? Ou faut-il changer les termes de la question en considérant que le préfixe est négatif, qu’il faut parler plus positivement du réel et des réalisations, qu’il faut parler de l’irréalisable et de l’irréalisé plutôt que d’impossibilités ?

3 – Comment examiner de façon simple mais rigoureuse la question de l’impossible ou de ce qui est irréalisable ou très difficilement réalisable ?

Ici, les questions se multiplient.

3-1 – Comment parler positivement des réalisations et du réel en prenant en compte les possibilités extrêmes et mal connues ou méconnues et peut-on parler du réel « en soi » ou indépendant et pas seulement du réel « pour nous » ou tel qu’il nous apparaît ?

3-2 – Pour sortir du tourbillon des fausses subtilités, à quoi faut-il se référer ?

- Faut-il se référer à des expériences ordinaires et quotidiennes ? On s’exclame « pas possible ! » devant un événement inattendu et désespérant ou devant une rencontre inespérée et particulièrement heureuse. Pris par le travail et l’affairement quotidiens, il semble impossible de dégager beaucoup de temps pour autre chose, mais il aura suffi qu’un proche tombe malade et ait besoin de nous pour que l’on devienne capable de faire ce qui semblait très difficile.

- Faut-il se référer aux événements, aux actions et aux passions, aux déceptions et aux espoirs sociaux et politiques. On s’exclame « pas possible ! » devant la transformation rapide des apparatchiks du PCUS en affairistes et devant les soulèvements contre les dictatures au Maghreb et au Moyen-Orient. Dans l’espace-temps public se pose la question de la possibilité et de la difficulté de modifier l’emploi du temps en consacrant du temps à des activités citoyennes. On se pose aussi la question de la réalisation d’une démocratie réelle et radicale dans toute la société, bien au-delà des pratiques des mouvements politiques qui l’anticipent et l’ébauchent…

- Faut-il se référer à des problèmes et à des découvertes scientifiques, comme lorsque l’on se demande si l’on ne pourrait mesurer dans l’univers physique de vitesse supérieure à celle de la lumière ? Faut-il se référer semblablement à des inventions techniques, à des créations artistiques ?

- Faut-il se référer à l’expérience religieuse dans laquelle l’impossible est rapporté à Dieu (« Aux hommes, cela est impossible, mais à Dieu tout est possible » <Matthieu, 19.26>) ? L’interrogation initiale et la préoccupation de l’impossible seraient-elles implicitement religieuses ?

Tenter l’impossible, serait-ce tenter le diable ?

- Est-il possible de prendre en compte, unitairement, tous ces registres ou faut-il privilégier l’un d’entre eux ?

3-3 – Comment réalise-t-on aux deux sens du terme réaliser (reconnaître et accomplir) « toutes » les potentialités et « toutes » les capacités (« tout » ce dont on est capable) ? En s’engageant dans des démarches préalablement bien conçues ayant une forte probabilité de réussite, dont une bonne partie des conséquences peuvent être anticipées ?

En prenant le risque de s’engager dans des réalisations dont la réussite est incertaine car on ne peut distinguer qu’après coup ce qui reste absolument impossible (l’irréalisable) et ce qui ne l’était que relativement (l’irréalisé) ?

4 – Peut-on examiner ou ressaisir la question en allant directement à l’essentiel ou à ce qui importe sans multiplier excessivement les questions ?

Christian Cavaillé

6 novembre 2011

Le débat du 30 octobre 2011:   » Admirer, est-il juste ?  », animé par Emmanuel Mousset.

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Posted on 26th octobre 2011 by Cremilde in Comptes-Rendus

« Quand octobre prend fin, dans la cuve est le raisin », mais, alors que le verbe n’est pas commode à mettre en bouteille, ce n’est pas entre deux biberons, que le Président de la République Française, le tronc désarticulé par la Tourette et les bras encombrés par des tas de rebelles dossiers, allait coiffer Madame Merkel mandatée, elle, par tous les partis représentés au Bundestag (son parlement), dans la rixe à livrer au clair de lune, lors du sommet de crise de l’UE à Bruxelles, pour un Accord au sein du Fond Européen de Soutien Financier. Pour information, ce FESF doit faire face à la cupide bande des rapaces au bord de la constipation qui se sont abattus sur le déficit du PIB des Etats Communautaires, alors que, quasi abstraction, l’argent n’est plus qu’une promesse et que la monnaie devint un instrument purement théorique. Toujours est-il que c’est dans le cadre de cette sinistre actualité que le 30/10/2011, jour de la besogneuse sainte Emeline, Emmanuel Mousset se proposa d’animer le sujet « Admirer est-il juste ? », devant les citoyens soucieux du bien commun, présents au Café des Phares® ; je répète : « Admirer est-il juste ? » , pour que l’on y songe.

La question induisait une réticence et dès lors je me suis demandé pourquoi serait-ce injuste ? Grammaticalement, « admirer » est un verbe transitif, c’est-à-dire, pour avoir un sens, il lui faut un complément d’objet, comme par exemple, « admirer le culot de proposer un tel sujet ». Etant donné de surcroît que le sentiment même d’admiration n’a aucune connotation utilitaire, mise à part la joie ressentie devant ce que l’on trouve exceptionnel, un goût qui, comme les couleurs ne se discute pas, s’interroger à son propos sur l’éventualité d’une justice, équité, intégrité, ou conformité avec le droit, en somme, ça me dépasse. Sachant que la justice force au respect des lois, il faudrait qu’inscrite dans le code pénal, l’admiration tombe sous le coup de la loi pour que l’on s’inquiète de savoir si nos émois sont justes ou injustes avant de les ressentir. Susciter par conséquent un jugement moral à propos de l’émerveillement, voilà qui me laisse pantois. L’injuste étant donc ce dont on doit se gêner, faudrait-il avoir honte ou craindre le courroux des dieux, chaque fois que l’on rentre dans un Musée, on écoute une Symphonie, on assiste aux évolutions d’une danseuse étoile ou l’on est témoin d’un ineffable coucher de soleil ?

Les élèves du lycée de Saint Quentin dans l’Aine, qui assistaient au débat, venaient certainement de travailler le Gorgias, de Platon, où il est, effectivement question d’une telle rhétorique, « l’Homme raisonnable désirant être admiré et ne pas être objet de mépris, alors que l’injuste et suffisant en subit généralement les effets ».

Sans parler de l’exaltation compréhensible des gens pour les merveilles qui les entourent, et il y en a, partant qu’un individu est susceptible d’admiration pour un autre ainsi que ses œuvres ou être admiré par lui, le critère de justice n’a pas de fondement, ce sentiment étant naturellement, d’après Socrate, partie prenante du dialogue évoqué ci-dessus, pour ce qui concerne « ταείς » ou « χόσμος » (l’ordre ou la discipline).

Toujours est-il que l’on a trouvé dans le sujet à boire et à manger, ce qui nous a permis d’aller de Narcisse à la contemplation, au désir, au désespoir, à l’envoûtement, doutant au passage s’il y a encore des gens admirables, à part Napoléon, Pavlov, Panurge, le Grand Frère, Hitler venant aussi sur la scène pour avoir été présenté la veille à la télé assumant le rôle de vengeur de l’humiliation subie par l’Allemagne en 14/18, preuve que l’on aime les forts, ceux qui dépassent les autres et admirent plus les chiens que leurs semblables. Il a été dit encore que l’on aime ce qui est remarquable par la beauté, le courage et l’ingéniosité, l’admiration s’inscrivant dans l’ordre du ressenti qui émane de certaines valeurs ou conditions, la mode et les starlettes, dès que chacun se regarde soi-même comme un petit dieu. Peut-être que l’on admire et on déteste en même temps, le contraire étant le mépris et l’indifférence.

Moralité : est-ce juste, ou avantageux, d’admirer ? « Le singe et le léopard » (de La Fontaine) qui, tous les deux, gagnaient de l’argent à la foire, nous laissent penser qu’ils y réussissaient, l’un se vantant que c’était en raison de la couleur sur sa peau, l’autre grâce à son esprit.

Carlos